Le quotidien d'Oran - 27 Fév 2023
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Promouvoir
et valoriser les pratiques d’enseignement clinique en milieu HU
Ces
dernières années, une révolution tranquille en pédagogie des sciences de la
santé prend forme au sein de la communauté des hospitalo-universitaires (HU), car
il existe une prise de conscience de ces derniers en
faveur de l'amélioration de la formation médicale pour répondre aux besoins de
la qualité des soins de santé. La communauté était beaucoup responsabilisée et sensibilisée
à la prise en charge des enseignements et des apprentissages en contexte des
sciences de la santé, mais le domaine de la santé possède sa propre et unique
particularité : le malade ou le patient malade. En effet, le patient est
la raison d’être, le centre de la pratique des soins de santé et surtout la
matrice des apprentissages et des enseignements au lit du malade.
L’enseignement au lit du malade est une composante fondamentale des pratiques
pédagogiques en sciences de la santé connue sous le nom de supervision
clinique. Cette dernière est une composante essentielle que tout professionnel de la
santé doit acquérir et développer en contexte de
la formation continue.
Malheureusement, lorsqu’un médecin
enseignant HU n’a pas reçu une telle formation, il n’est pas préparé à
superviser efficacement d’autres apprenants en sciences de la santé. En
d’autres termes, l’enseignant HU a besoin de compléter des apprentissages pour devenir
superviseur clinicien où il va acquérir des compétences sur les fonctions et
les rôles du superviseur, pour créer un climat de confiance favorable à
l’apprentissage au lit du malade, de gérer les jeux de pouvoir et les
situations de conflit autant éthique que personnel, d’assurer une évaluation du
stage de formation et finalement d’assurer une rétroaction efficace sur les
apprenants. Cette dernière doit être au service des apprentissages et non pas
un outil de contrôle ou de sanctions des apprenants.
En contexte des soins de
santé, les compétences et les responsabilités de l’enseignant HU ne se limitent
pas seulement au patient malade, mais aussi à l’apprenant. Cette double
responsabilité rend la gestion de soins et de supervision clinique plus complexes
d’où l’intérêt de la formation à cette pratique pédagogique, et qui de plus, elle
n’est pas rémunérée. En d’autres termes, la responsabilité du médecin clinicien
vis-à-vis du patient malade consiste à aboutir à un diagnostic médical et une
prise en charge thérapeutique adéquate et ciblée. Il en est de même pour
l’apprenant pour aboutir à un diagnostic pédagogique et un plan thérapeutique
dit aussi de remédiation pédagogique. Ces doubles et complexes fonction se
déroulent simultanément, et c’est ce que les rends encore plus complexes d’où l’intérêt
de promouvoir et de valoriser la supervision clinique comme pratique
pédagogique dans les futurs statuts des médecins HU.
Par ailleurs, la supervision clinique a été reconnue comme une compétence
professionnelle et un élément important de l’efficacité des systèmes de santé.
Il faut former les superviseurs de sorte
qu'ils puissent non seulement répondre aux besoins du patient, mais également
soutenir le développement du raisonnement clinique
de leurs étudiants. Considérant le temps consacré à
la supervision dans le contexte clinique, il est dès lors déterminant que les cliniciens superviseurs
connaissent les processus de raisonnement clinique qui sont au cœur de leur
pratique et puissent non seulement les expliciter, mais également les faire
expliciter et justifier par leurs étudiants en formation.
La communauté scientifique
reconnaît actuellement l'importance de développer ses compétences pédagogiques
dans une perspective de développement professionnel continu (DPC), admettant
désormais qu'il ne suffit plus d'être un bon clinicien pour être de fait un bon
enseignant HU. De plus, la supervision clinique comporte une
dimension pédagogique qui favorise le transfert des connaissances, des habiletés
et des attitudes des apprenants. Hélas, la réalité en ce qui a trait à la
supervision clinique des apprenants au sein de nos services cliniques est toute
autre et qui s’est aggravé durant la période de la Covid-19. De plus, la
qualité de la prise en charge pédagogique et plus particulièrement de la
supervision clinique des apprenants laisse à désirer au sein de chaque service
des soins de santé. Pour ce faire, le médecin HU doit être soutenu par des
formations au raisonnement clinique comme outil de remédiation et de soutien à
la supervision clinique au lit du patient malade.
Le raisonnement clinique est le processus de pensée et de prise de décision qui
permettent au médecin clinicien de prendre les actions les plus appropriées
dans un contexte spécifique de résolution de problème de santé. En d’autres termes, ces processus de pensée et de prise de décision sont
au cœur de l’exercice professionnel et ils constituent un phénomène hautement
complexe. À cet effet, devenir superviseur en sciences de la
santé n’est pas une tâche aussi facile qu’on le prétend, mais une activité
pédagogique spécifique et encore plus complexe. De plus, la société
attend souvent des médecins cliniciens HU qu'ils accordent une très grande
importance à la qualité des soins de santé et aux apprentissages lors de la
supervision clinique. Pour ce faire, il est primordial de les doter d'une
expertise à la fois médicale et pédagogique de raisonnement et de supervision
clinique.
Par ailleurs, la
vocation principale d’un responsable ou chef de service formateur doit
s'articuler autour de la supervision clinique d'un point de vue pédagogique par
un enseignement de qualité au lit du patient malade et assurer par un médecin
clinicien expert, compétent et formé pédagogiquement parlant. En d'autres
termes, l'apprenant doit être au cœur de la préoccupation du responsable ou
chef de service formateur et du médecin clinicien d'autant qu’ils sont responsables
de l'ensemble de son cheminement pédagogique et pour toute la durée du stage
clinique. De plus, les services de formation cliniques avec la participation
des médecins HU sont des institutions dédiées prioritairement à l'apprentissage
dans un contexte de supervision clinique au lit du malade. En outre, elles
participent au développement de l'expertise médicale, à des activités d’enseignement
et de supervision clinique dont le but ultime est de développer l'autonomie des
futurs médecins cliniciens pour les besoins du réseau de soins et de formation
en Algérie.
L'intérêt
particulier porté à la compétence dans le domaine de la supervision clinique du
formateur est à la base de la qualité de la formation médicale et des soins de
santé. À cet égard, les programmes de formation actuels n'obéissent pas aux
normes pédagogiques en vigueur. Il est important de promouvoir respectivement une
double refondation des curriculums de formation et des programmes
disciplinaires selon une approche par compétence, et non pas une simple réforme
pour améliorer les objectifs d’apprentissage de chaque discipline médicale. De
plus, les médecins HU ne sont pas informés ni formés aux approches et aux stratégies
pédagogiques ni aux méthodes de supervision et de raisonnement clinique pour qu’ils
puissent les utiliser à des fins d’enseignement au lit du patient malade.
Dans ce contexte, les rôles des
doyens des facultés de médecine sont primordiaux, car il
est admis que les stratégies les plus efficaces pour améliorer la formation médicale
sont principalement leurs contributions pédagogiques aux services des médecins
superviseurs et des apprenants. Pour ce faire, chaque doyen devrait être doté
des compétences nécessaires pour assurer les fonctions de leadership et de
promoteur de la pédagogie, mais les rôles pédagogiques des doyens sont
nombreux, complexes et multidimensionnels. Hélas, le soutien et
l’accompagnement pédagogique aux doyens font défaut par le manque de ressources
expertes en pédagogie des sciences de la santé.
De plus, le doyen ne dispose pas de suffisamment de ressources
humaines pour se permettre de bien gérer et mobiliser les potentialités et les
compétences pour promouvoir la pédagogie des sciences de la santé au sein de sa
faculté de médecine. En effet, le doyen est souvent confronté à gérer des
difficultés d’ordre administratif où les problèmes d’ordre pédagogique sont mis
au second plan. Pour ce faire, il est impératif de revoir et renforcer le
statut de la conférence des doyens afin de leur fournir plus d’outils, plus de
moyens et plus de ressources humaines et pédagogiques pour leur permettre
d’agir convenablement dans leur champ de compétence pédagogique.
Pour soutenir et promouvoir
le raisonnement et la supervision clinique, les concours HU sont des étapes
importantes à considérer. En
effet, l’épreuve pratique dite de
résolution de problème est une épreuve centrée sur le processus de
raisonnement clinique (RC). Cette dernière est au cœur de la pratique
médicale des professionnels de la santé, car il ne suffit pas de résoudre
le cas clinique, mais de démontrer ses habiletés de RC pour
synthétiser puis d’exploiter les informations obtenues pour prendre des
décisions diagnostiques, d’investigation et thérapeutiques. Le jury devrait évaluer le
candidat sur cette compétence essentielle : le processus du raisonnement
clinique. Le cas
clinique pourrait être une rédaction écrite ou orale sous forme d'une
simulation malade, mais il doit respecter les normes du processus de RC, être
réaliste et suffisamment riche en données pour inciter et promouvoir le RC.
Finalement, les textes statuaires des médecins HU ne décrivent que les
fonctions et les tâches pédagogiques de façon générique sans plus de précision
et centré surtout sur les activités globales d’enseignement. À cet effet, il
faut revisiter, réformer ou refonder les statuts des médecins HU. De plus, la notion de certification en pédagogie
médicale en contexte de la formation continue ainsi que les concepts de
l’épreuve pédagogique d’enseignement et de l’épreuve pratique de raisonnement clinque au concours HU devraient
être maintenus, soutenus et promus comme outil de
sensibilisation, de conscientisation, de sélection et de promotion bien avant
l'organisation de tout concours de recrutement des futurs enseignants HU.