Publié par Elwatan le 15 mai 2018
Evoqué par le ministère de la Santé et concrétisé récemment par le
ministère de l’Enseignement supérieur (MESRS), le concept de Médecine de
famille (MDF) s’est progressivement imposé comme axe de développement
des soins médicaux de proximité au service de la population. Mais, les
débats rapportés par la société et les professionnels de la santé
portent sur l’impact du concept de la MDF sur la qualité des soins
primaires et sa perception par rapport à la Médecine générale (MG).
En effet, cette dernière est l’aboutissement d’un cycle de formation de
sept ans qui ne répond pas actuellement aux normes pédagogiques
d’apprentissage en sciences de la santé et encore moins aux besoins de
soins de santé des citoyens, car la formation en médecine générale est
focalisée sur l’acquisition des connaissances disciplinaires le plus
souvent spécialisées et centrée sur l’organe au lieu d’être axée sur le
développement des compétences médicales centrées sur le patient et sa
famille avec leur prise en charge continue et globale.
Par ailleurs, la médecine de famille est l’aboutissement d’un cycle de
formation en spécialisation dans la même branche dite aussi résidence en
médecine de famille. En d’autres termes, il s’agirait de la finalité de
cette dernière sur une période d’apprentissage de deux à trois années
aboutissant à l’acquisition et au développement de compétences médicales
aux services des soins de qualité centrée sur l’individu et sa famille.
En effet, la pratique de la médecine familiale est centrée sur les
patients et leur famille dont les besoins de santé ont lieu au sein
d’établissement de soins primaires ou de première ligne.
En d’autres termes, la médecine de famille est l’environnement où les
patients se sentent le plus à l’aise pour présenter leurs préoccupations
personnelles et familiales de santé et d’en discuter avec leur médecin
de famille. De plus, la médecine de famille est le carrefour des
prestations des soins primaires et de leur coordination avec les autres
professionnels de santé pour offrir une gamme complète de services
médicaux dont les patients ont besoin.
L’instauration du concept de médecine familiale en Algérie n’est
possible que par la réforme du curriculum de formation médicale et des
pratiques pédagogiques, notamment par la formation des formateurs en
médecine familiale dans le domaine de la pédagogie appliquée en sciences
de la santé. En d’autres termes, il est inadmissible et inimaginable du
point de vue pédagogique et curriculaire que la médecine familiale soit
enseignée par des professionnels de la santé autres que les formateurs
en médecine de famille. C’est une condition sine qua non pour espérer
une implémentation du concept de MDF au sein de la communauté médicale
cible.
En d’autres termes, une réingénierie profonde du curriculum de la
formation initiale doit être engagée en collaboration avec les
professionnels de la santé et des experts en pédagogie médicale, car le
curriculum de formation médicale est le parcours pédagogique nécessaire
pour tout apprenant admis à l’intérieur d’un projet d’apprentissage en
sciences de la santé dont la finalité est de fournir à la société des
médecins de famille compétents et autonomes.
A cet effet, chaque faculté de médecine est responsable de l’ensemble du
cheminement pédagogique des apprenants qui lui sont confiés par la
société, et cela pour toute la durée du programme de formation. De plus,
pour toute faculté de médecine, l’apprenant en sciences de la santé
doit être au cœur de sa préoccupation pédagogique tant sur le plan des
enseignements que celle des apprentissages.
La formation médicale initiale dépend du ministère l’Enseignement
supérieur dont la réforme du curriculum de formation semble être en
gestation, mais on ne connaît pas pour le moment ni son architecture ni
ses aboutissements pédagogiques. Il est important de signaler d’emblée
qu’en plus de l’absence de la qualité des enseignements et des
apprentissages dans le cycle clinique, c’est au niveau du cycle de
l’internat que le curriculum de formation doit être sérieusement revu et
revisité. En d’autres termes, la finalité du cycle de l’internat n’est
plus adaptée aux normes de formations médicales en vigueur, car elle est
sans impact ni sur la qualité des apprentissages ni sur la qualité des
soins de santé. En effet, sa finalité est de produire un médecin diplômé
et doté de connaissances disciplinaires sans lien avec la réalité de la
pratique de la médecine familiale. De plus, l’évaluation à chaque fin
de stage du cycle de l’internat est obsolète et ne reflète ni les
connaissances acquises ni les compétences en soins de santé centrés sur
le patient et sa famille.
Durant ce cycle de formation, les enseignements et les apprentissages se
déroulent le plus souvent dans des services de soins spécialisés
assurés par des médecins spécialistes, et le plus souvent non
disponibles et non formés à la pédagogie médicale ni à la supervision
clinique des apprenants. De plus, l’interne comme étant en fin de cycle
de la formation médicale n’a souvent pas eu suffisamment d’exposition
clinique, ni de supervision adéquate, ni des évaluations centrées sur
les compétences développées dans les différents départements des soins,
car la formation médicale à l’internat est centrée sur des pathologies
et des soins spécialisés qui ne le destinent pas à la pratique de la
médecine de famille une fois arrivé sur le marché du travail.
Le curriculum de formation médicale actuel ainsi que la prise en charge
pédagogique des apprentissages, des enseignements et de la supervision
clinique des apprenants ne sont pas adaptés aux besoins de formation de
future génération de médecin de famille. De plus, l’évaluation des
apprentissages en fin de chaque stage d’internat est ponctuée par des
rapports de recherche clinique qui n’ont que peu d’impact sur la
pratique médicale, et surtout cette évaluation ne reflète en rien la
qualité des enseignements et des apprentissages en sciences de la santé.
Ce mode d’évaluation est obsolète et doit être remplacé par des modes
et des méthodes d’évaluation des apprentissages adéquats et adaptés à la
réalité de la pratique de la médecine de famille. En d’autres termes,
les outils docimologiques doivent refléter le développement des
compétences médicales centré sur l’individu et sa famille, et pas
seulement sur l’acquisition des connaissances disciplinaires.
Pour ce faire, il existe deux façons de développer le concept de la
médecine de famille en Algérie. D’abord, par la réforme du curriculum de
la formation médicale initiale et surtout par la conversion du cycle de
l’internat en résidence de médecine de famille d’une durée de trois
années. Mais également, il faut une réforme des pratiques pédagogiques
d’autant que l’apprentissage axé sur le développement des compétences
est particulièrement propice à la formation des futurs médecins de
famille.
La seconde option est le Développement professionnel continu (DPC) comme
matrice à l’accroissement des compétences médicales au sein de la
communauté médicale en exercice. En d’autres termes, il faut intégrer le
concept de médecine familiale chez les praticiens généralistes en
exercice par le DPC sur une période de 2 à 3 ans par l’accumulation de
crédit ou d’Unité éducation continue (1 UEC = 10 h) équivalente à la
durée de la résidence en médecine familiale en formation initiale.
En effet, le DPC est depuis quelques années au centre d’un grand débat
en milieu de santé, car il est reconnu qu’aucun professionnel de santé
ne peut prétendre exercer son métier avec les seuls acquis de sa
formation médicale initiale. L’exercice professionnel amène tout
praticien à constater de possibles besoins d’apprentissage
complémentaires en particulier au regard de l’évolution rapide des
savoirs et de l’apparition de nouvelles thérapies. La nécessité de faire
des apprentissages ne fait que débuter et est présente durant toute la
carrière professionnelle d’un médecin généraliste.
Le DPC est sans aucun doute l’investissement le plus sûr qui permettra,
d’une part, d’améliorer la qualité des soins offerts à la société et,
d’autre part, de rehausser le niveau des pratiques et des compétences
médicales. En d’autres termes, les institutions de formation étatiques
et privées doivent impérativement prêter une attention particulière aux
impacts et retombées positives du DPC sur la santé de la population en
particulier et de la société en général. Sans prétendre avancer qu’il
existe en Algérie une culture de DPC, ce dernier est en plein essor
grâce aux développements des multiples offres de formations des
différents organismes et institutions notamment privés dans tous les
domaines disciplinaires en sciences de la santé.
Pour ce faire, il faut favoriser un renouveau pédagogique en sciences de
la santé par la formation des formateurs sur la pratique de
l’enseignement et des apprentissages en médecine familiale, car il est
inconcevable que la médecine familiale soit promue et enseignée par des
professionnels de la santé autres que les médecins de famille. Il est
important à ce que la SAMG soit la passerelle de sélection des
organismes et institutions de formation en contexte du DPC. Cette
démarche doit être rigoureuse selon un cahier des charges précis qui
répond aux besoins d’apprentissages tant au niveau disciplinaire que
pédagogique.
De plus, il faut que tous conflits d’intérêt avec les compagnies
pharmaceutiques cessent pour espérer une mutation en faveur des
formations centrées sur des apprentissages de qualité et non sur le
produit pharmaceutique. Par ailleurs, le DPC nécessite des ressources
humaines compétentes en pédagogie médicale et en gestion administrative
nécessaire pour espérer l’instauration de la culture du DPC au sein de
la communauté médicale. Finalement, il est nécessaire de rappeler que la
problématique centrale reste toujours la réforme du curriculum de
formation que ce soit en formation initiale ou continue en contexte du
DPC.