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Formation des enseignants du supérieur à la pédagogie universitaire

Formation des enseignants du supérieur à la pédagogie universitaire

par Lord Pédagogie,
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Publié dans Liberté le 30 - 12 - 2013


Les problématiques de l'acte d'enseigner sont multidimensionnelles, politiques, socioéconomiques et culturelles comme dans la plupart des universités du monde, mais restons centrés sur ses composantes pédagogiques. En effet, pour faire de nos universités des lieux d'apprentissage crédibles et innovants, un point est souvent oublié : la pédagogie. Or, c'est par la pédagogie que fonctionne l'université en tant qu'instance de transmission et de construction du savoir. En effet, afin de mieux répondre aux besoins actuels des sociétés de savoirs, plusieurs facultés et écoles des différentes disciplines, en Algérie et ailleurs dans le monde, entreprennent actuellement de nécessaires réformes de leurs cursus d'études (LMD) et une valorisation de l'acte d'enseigner. À cet effet, il est essentiel de suivre une démarche cohérente pour élaborer les programmes disciplinaires selon les normes modernes en sciences de l'éducation et de renfoncer les pratiques enseignantes par des démarches d'apprentissage à la pédagogie universitaire.

Par ailleurs, en regard de la démocratisation de l'enseignement universitaire et du développement des sociétés du savoir, les écoles, les centres de formation et les universités fleurissent dans notre pays, mais ceci pose des problématiques importantes, dont celui de la pratique de l'acte d'enseigner. En effet, notre pays dispose d'un nombre important universités, de centres universitaires, des écoles nationales supérieures, des écoles normales supérieures et des écoles de préparation. De plus, notre pays dispose de milliers d'enseignants universitaires, et vous comprendrez sûrement que la gestion pédagogique de cet important bassin d'enseignants ne se fait certainement pas sans problèmes.
En ce qui concerne le contexte du travail professoral, le renouvellement du corps professoral est lui-même un facteur multidimensionnel et dû entre autres à la mobilité professionnelle. En effet, beaucoup d'enseignants suivent d'autres voies que celle de l'enseignement, par exemple une orientation vers la recherche pure, et à ce moment, ils vont rejoindre des laboratoires nationaux ou internationaux. Il y a ceux qui ont pris une orientation ou une carrière dans la gestion administrative, sans oublier le phénomène de l'immigration volontaire ou involontaire, et finalement le départ à la retraite.
De plus, le contexte du travail professoral présente aussi un double défi pour les enseignants comme le nouveau programme curriculaire et l'élaboration de programmes disciplinaires selon les normes modernes en sciences de l'éducation. En l'absence de cette dernière, la charge du travail professoral se trouve encore plus importante et plus lourde. Finalement, les caractéristiques des étudiants ont également changé, ce qui représente, un défi supplémentaire si les enseignants voulaient procurer des apprentissages qui sont en lien avec le milieu du travail et la réalité professionnelle.
Abordons maintenant la diversité estudiantine comme facteur d'impact important sur les efforts que les enseignants doivent fournir pour procurer des apprentissages de qualité centrés sur les apprenants. Chez nous, la nouvelle génération, dite génération internet, est multi-tâches et de la vague monolingue. En outre, la qualité des apprentissages, la valeur du diplôme et les perspectives professionnelles jouent un rôle important sur leur perception de la formation en milieu universitaire, sur leur estime d'eux-mêmes et sur leur motivation à apprendre. Finalement, la problématique de la langue d'enseignement comme véhicule des savoirs est à considérer également.
En rapport avec la pratique de l'enseignement, il est important de signaler d'emblée que ce n'est pas l'expertise ou les connaissances disciplinaires de l'enseignant qui sont mises en cause, mais les pratiques d'enseignement en termes de stratégies et d'encadrement pédagogique des apprentissages. La plupart des enseignants enseignent selon un modèle traditionnel transmissif à partir de leur expertise disciplinaire en absence de support pédagogique adéquat. De plus, l'acte d'enseigner est improvisé et fait parfois appel au bon sens ou plus au moins planifié. Il arrive également que le professeur enseigne par intuition. Par ailleurs, la plupart des enseignants sont motivés afin de prodiguer des apprentissages de qualité à leurs étudiants, mais ils n'utilisent pas les bons moyens pour y parvenir. Par moyens, on fait allusion surtout aux soutiens didactiques et aux conseils pédagogiques pertinents en vue d'améliorer leur enseignement. En effet, le premier constat est l'absence de formation pédagogique aux enseignants pour améliorer leur processus d'enseignement au regard de l'évolution rapide des connaissances dans le domaine de la pédagogie.
Pour des apprentissages de qualité centrés sur le développement de compétences chez les étudiants, les enseignants auront besoin d'une formation à la pédagogie ciblée et d'environnements d'apprentissage propices à leur développement intellectuel et professionnel. De plus, les enseignants auront besoin de réseau de partage de leurs vécus d'enseignants et de leurs expériences professionnelles en milieu universitaire. En effet, selon Elbe : "Enseigner et apprendre sont des activités interchangeables, on ne peut enseigner sans apprendre et on ne peut apprendre sans enseigner". Il faut reconnaître que les enseignants font face à plusieurs défis auxquels ils sont appelés à s'adapter tels que le renouvellement rapide des connaissances, la problématique linguistique, l'intrusion des nouvelles technologies dans l'enseignement, les caractéristiques des étudiants, leur responsabilité administrative et de chercheur, leur contexte socioprofessionnel et finalement leur responsabilité socioculturelle. "Comment font-ils pour s'adapter à ces environnements?" se demandait Ramdsen. Au cours des dernières années, la formation à la pédagogie des enseignants universitaires s'est développée de façon significative dans plusieurs pays ayant misé sur la qualité des enseignements et des apprentissages pour développer des compétences chez les étudiants. Chez nous, plusieurs enseignants ont suivi des séminaires de formation. Toutefois, ces séminaires ne sont centrés ni sur la pratique de l'enseignement ni sur la planification pédagogique, ni en sciences de la santé ni en milieu universitaire. En effet, les séminaires organisés font rarement partie d'un programme d'apprentissage à la pédagogie qui soit cohérent, c'est-à-dire, qui réponde aux exigences d'une planification méthodique des enseignements, des apprentissages et surtout, qui "contextualise" adéquatement les enseignements en tenant compte des particularités de la formation des professionnels du milieu universitaire. De plus, les connaissances pédagogiques ainsi acquises par les enseignants et les intervenants académiques lors de ces séminaires se traduisent difficilement sur le terrain par la transformation des attitudes et des approches pédagogiques.
Par ailleurs, la valorisation de l'acte d'enseigner est une question sensible et fondamentale en Algérie pour améliorer les apprentissages et développer des compétences chez les enseignants. Presque tous les responsables des établissements universitaires affirment que la valorisation des enseignements est une nécessité absolue en Algérie pour améliorer les formations universitaires et répondre aux besoins de la réalité professionnelle et du marché du travail. Hélas, de très nombreux enseignants universitaires algériens attestent que l'acte d'enseigner n'est pas valorisé, voire presque dévalorisé, dans leur université, leur faculté, leur département ou leur programme. De plus, ils confirment que ce sont plutôt les activités de recherche scientifique qui reçoivent la plus grande part de l'attention, de l'encouragement et de la valorisation, et qui ont les conséquences les plus positives sur la carrière professorale. Les responsables universitaires ont du mal à prendre en premier lieu une décision pour donner de la visibilité à l'enseignement. Pourtant, la première condition pour le valoriser est qu'ils lui accordent un appui absolu et incontestable, qui doit donc outrepasser les paroles dans les discours, veillant sur son intérêt à l'amélioration des enseignements universitaires en Algérie. Pour que l'acte d'enseigner soit valorisé, les autorités universitaires doivent lui donner une visibilité, faire des propositions, et prendre des actions concrètes qui motivent les enseignants à s'engager en formation à la pédagogie universitaire.
C'est la condition sine qua non, et elle exige un certain courage décisionnel. Les propos des hauts responsables sont perçus comme des craintes que le soutien à l'enseignement soit traduit comme un manquement à la vocation de recherche de l'université. Lorsque les hautes directions s'adressent aux enseignants universitaires, il est très rare qu'elles invoquent les réalisations en enseignement et les accompagnements qu'elles désirent mettre en place dans ce domaine. De plus, elles citent rarement les réalisations des professeurs en enseignement.
Par ailleurs, lorsqu'un universitaire commence à enseigner, il est en général étudiant en doctorat, ou il vient de finir une thèse ou un postdoctoral sur un sujet extrêmement pointu. Une fois qu'il obtient un poste d'enseignant, il s'agit alors de prendre en charge un ou plusieurs enseignements qui sortent de sa spécialité stricte. À vrai dire, il est même plutôt rare d'enseigner exactement dans son sujet de thèse. Et c'est là que les problématiques de l'acte d'enseigner se posent sérieusement. En effet, il est reconnu qu'à l'embauche de nouveaux enseignants, les départements ou facultés utilisent peu les critères et les moyens appropriés pour évaluer les habiletés d'enseignement des candidats. De plus, pour la constitution du dossier académique à l'embauche, il n'est nullement mentionné une recommandation aux nouveaux enseignants de se procurer une certification à la pédagogie universitaire témoignant de leur habilité à l'enseignement. La même remarque est valable concernant la recommandation d'une formation continue à la pédagogie pour les enseignants du supérieur en exercice et notamment à la pratique de l'acte d'enseigner. De plus, il n'y a aucune pondération pour la formation à la pédagogie dans le dossier académique au recrutement des nouveaux enseignants. Ceci n'est pas stimulant pour les nouveaux candidats à l'enseignement supérieur à s'engager dans des apprentissages en matière de pédagogie universitaire. Par ailleurs, le nombre d'années d'enseignement représente une pondération quantitative importante du dossier académique à l'embauche, et ceci ne nous renseigne ni sur les habilités ni sur la qualité pédagogique des enseignements. Il est également important de signaler que le maximum des points attribués pour le dossier académique lors de l'embauche d'un enseignant est centré sur la participation à des séminaires et d'éventuelles publications scientifiques. Ceci favorise et valorise un aspect de la compétence : celle de chercheur et non pas celle d'enseignant universitaire. Les médecins accèdent au grade d'hospitalo-universitaire par le biais du concours des maitres-assistants (MA). Les candidats au concours sont évalués sur leur habilité à enseigner, sans aucune formation préalable à l'acte d'enseigner, selon une grille d'évaluation qui ne répond plus aux normes de l'éducation en sciences de la santé. De plus, lors de leur exercice professionnel, les hospitalo-universitaires sont confrontés à divers problèmes pédagogiques tels que l'évaluation des apprentissages, la planification de contenus disciplinaires, les méthodes d'enseignements et la conception de programme disciplinaire. Au cours de leur cursus de formation médicale, les médecins ne sont pas formés à ces disciplines du domaine de la pédagogie médicale.
Comme pour les universitaires, pour le concours de MA, il n'y a aucune pondération pour l'attestation de la formation à la pédagogie médicale dans le dossier académique. Ceci n'est pas stimulant pour les nouveaux candidats aux postes de maître-assistant à s'engager en formation continue à la pédagogie médicale. De plus, le maximum des points attribués pour le dossier académique lors du concours des maîtres-assistants cible la participation à des séminaires et les activités médicales.
Ceci favorise et valorise la qualité de praticien et de chercheur, et non pas celle d'enseignant universitaire en sciences de la santé. On est convaincu que l'apprentissage à la pédagogie universitaire facilite la mise en œuvre d'une véritable "approche par compétences" et de "l'approche programme" lors de la refonte et de l'élaboration des programmes disciplinaires et des contenus pédagogiques dans le nouveau système curriculaire (ex : LMD). On est également convaincu que le développement de nouvelles compétences pédagogiques par les enseignants et les doctorants sert directement la qualité des formations universitaires en Algérie, la société en général. Il est clair que l'apprentissage à la pratique de l'enseignement supérieur représente le premier chaînon pédagogique dont un enseignant universitaire a besoin pour développer les compétences enseignantes et procurer des pratiques pédagogiques centrées sur les apprenants et les apprentissages. En effet, "personne ne commence par bien enseigner. Enseigner à l'université ça s'apprend" (Herbert Kohl).
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