Publié dans Liberté le 17 - 09 - 2016
Enseigner à l'université est un métier
qui évolue, et pourtant, que font les responsables universitaires pour
préparer les enseignants à l'exercice de cette mission première ?
L'université moderne établit sa
notoriété et sa visibilité régionale et internationale, entre autres,
par la manifestation de ses savoir-faire en pédagogie universitaire et
par son professionnalisme en termes de formation centrée sur les
apprenants et les apprentissages. De plus, toute université est
assignable socialement à l'obligation de répondre aux besoins
pédagogiques de ses apprenants en collaboration avec les partenaires de
son environnement socioprofessionnel. Les universités ont également pour
mission fondamentale de fournir à la société des diplômés compétents en
mesure d'assurer, partout en Algérie, des prestations de service de
qualité et de répondre aux besoins du marché du travail. Pour ce faire,
chaque université est responsable de l'ensemble du cheminement
pédagogique des apprenants qui lui sont confiés pour toute la durée du
cursus de formation. Hélas, nos universités n'arrivent pas à procurer
des apprentissages et des formations selon les normes pédagogiques en
vigueur.
Dans l'université contemporaine, l'enseignement constitue sa
mission première, et la question de la qualité de l'acte d'enseigner
doit être plus que jamais au cœur des préoccupations du ministère de
l'Enseignement supérieur (MESRS), mais aussi des doyens des facultés,
des conseils pédagogiques nationaux et des recteurs d'université, car
l'un des facteurs pour promouvoir la qualité de l'enseignement est la
compétence pédagogique des enseignants. De plus, enseigner à
l'université est un métier qui évolue, et pourtant, que font les
responsables universitaires pour préparer les enseignants à l'exercice
de cette mission première ?
L'amélioration des enseignements ne peut
se concevoir sans le soutien, l'implication et la collaboration
pragmatique du ministère de l'Enseignement supérieur (MESRS), et d'ordre
praticopratique des responsables universitaires. En effet, les
stratégies les plus efficaces pour améliorer les enseignements sont
principalement et respectivement la reconnaissance explicite de la
promotion universitaire de l'enseignement ainsi que les contributions
des recteurs des établissements et des doyens des facultés pour
valoriser l'acte d'enseigner.
Il faut doter les enseignants d'une
double expertise disciplinaire et pédagogique. Cela signifie
d'encourager le développement des compétences et des habilités en
enseignement en mettant à leur disposition les moyens de se former et de
se perfectionner en pédagogie universitaire, ainsi qu'un programme
d'accompagnement pédagogique. À cet effet, l'arrêté 932 du 28 aout 2016
promulgué par le ministère de l'enseignement supérieur (MESRS) vient
répondre à un besoin premier et urgent de l'université algérienne :
l'accompagnement pédagogique. Par cette action, le MESRS propose une
feuille de route pédagogique concrète au service des enseignants et à la
formation universitaire en général.
Cet arrêté prouve que le MESRS a
pris acte et conscience que l'accompagnement pédagogique et la
formation à la pratique de l'enseignement sont à la base de
l'amélioration qualitative des formations universitaires. En d'autres
termes, c'est la condition sine qua non pour espérer une mutation de
l'université en faveur des enseignements de qualité dans les
établissements du supérieur. Le soutien pédagogique offert dans les
établissements universitaires algériens va gagner en importance dans
quelques années, car dans la plupart de nos établissements, les services
de formation pédagogique ne sont ancrés ni dans la culture
universitaire ni dans sa structure organisationnelle.
Dans d'autres
universités, les services n'en sont encore qu'aux balbutiements, voire
inexistants. Peu importe, les situations décrites ci-haut, des questions
méritent d'être posées en ce qui a trait à l'arrêté 932 du MESRS.
Comment assurer la qualité des formations et des services pédagogiques
offerts en l'absence d'expert en pédagogie universitaire ?
Le MESRS
dispose-t-il de suffisamment de ressources humaines compétentes
notamment de conseiller et de concepteur en pédagogie universitaire ?
Comment
structurer ces services de manière à ce qu'ils répondent bien aux
besoins pédagogiques des professeurs et des nouveaux enseignants chargés
de cours ?
De plus, il faut d'emblée estimer les retombées de la
formation à la pédagogie universitaire des enseignants nouvellement
recrutés, notamment le changement de conception et le changement de
pratiques pédagogiques déclarées des enseignants universitaires. Il est
fort probable que la plupart des nouveaux enseignants observent un
changement dans leur conception de l'enseignement et de l'apprentissage.
Il
est souhaitable que ce changement de conception aille de pair avec un
changement de pratique pédagogique en contexte de l'enseignement
supérieur. La sensibilisation en début de carrière des enseignants est
importante pour la formation à la pédagogie universitaire. Ainsi, les
courtes formations semblent avoir davantage de retombées pédagogiques
pour les jeunes enseignants. De plus, il faut conscientiser les
enseignants à la nécessité de s'interroger sur leur pratique
pédagogique, leur enseignement et sur l'apprentissage des étudiants.
Il
est de l'intérêt de chaque université de développer des enseignements
centrés sur les apprentissages et la diffusion de documents pédagogiques
de synthèse à l'interne. Dans ce contexte, le rôle des conseillers
pédagogiques est principalement de faciliter le développement des
compétences réflexives des enseignants. Pour ce faire, il est
fondamental à ce que l'université conçoive une stratégie
institutionnelle claire avec des objectifs de valorisation et de
développement de la qualité de l'acte d'enseigner.
Il faut également
mettre à la disposition des enseignants les moyens pédagogiques
nécessaires pour se développer et pour atteindre les buts de formation à
moyen terme, comme le financement de projets d'innovation pédagogique,
une offre de formation et d'accompagnement pédagogique, la collaboration
entre les enseignants pour partager leur expérience et pratique
pédagogique. De plus, il faut proposer un soutien clair pour la
valorisation et la diffusion des résultats des projets pédagogiques des
enseignants comme une présentation dans un colloque de pédagogie ou des
événements internes de partage d'expérience.
Ces propositions se
centrent davantage sur la mise en place des services de soutien
pédagogique au sein de chaque université. Il est aussi important de
faire l'évaluation des services de formation proposés afin d'en assurer
l'amélioration continue, mais également un service d'évaluation des
enseignements par les étudiants. Il est également essentiel à ce que le
ministère de l'Enseignement supérieur (MESRS) révise les normes de
sélection et de promotion des enseignants, tout en intégrant la
certification ou la formation à la pédagogie universitaire comme critère
de recrutement, de nomination et de titularisation.
De plus, pour
promouvoir l'accompagnement pédagogique, le MESRS pourrait proposer de
nouveaux modèles pour reconnaître et récompenser les enseignants sur les
deux volets : recherche et enseignement. Ce modèle peut prendre appui
sur une parité claire et transparente entre le dossier enseignement et
le dossier recherche.
En conclusion, la mise en place de
l'accompagnement et du soutien pédagogique dans les établissements
universitaires algériens doit être progressive et mesurée. De plus, la
collaboration entre les chercheurs en éducation et les conseillers
pédagogiques demeure essentielle pour poursuivre les efforts dans ce
domaine et dégager les pratiques efficaces en accompagnement et en
formation pédagogique en milieu universitaire algérien.