Publié dans Liberté le 13 - 09 - 2015
La faculté de médecine moderne est
reconnue pour son rôle social et pour son professionnalisme en termes de
qualité de la formation médicale centrée sur les apprenants et les
apprentissages. Pour autant, la faculté de médecine d'aujourd'hui est
dans l'obligation déontologique et éthique de se doter d'un savoir-faire
en pédagogie universitaire appliquée aux sciences de la santé. En
d'autres termes, toute faculté de médecine est redevable socialement de
la nécessité de répondre aux besoins pédagogiques de ses apprenants en
collaboration interprofessionnelle avec les intervenants du milieu
hospitalier, et dont la finalité est de fournir des soins de santé de
qualité.
Les facultés de médecine, en association avec les milieux
hospitalo-universitaires, sont des institutions dédiées prioritairement à
l'apprentissage dans un contexte de prestations de soins de santé. En
outre, elles participent au développement de l'expertise médicale et des
activités d'enseignements cliniques dans chaque domaine disciplinaire.
Ces activités sont intégrées dans un modèle d'organisation des
apprentissages centrés sur les services des soins, et dont la visée
principale est de développer l'autonomie des futurs médecins pour les
besoins du réseau de santé en Algérie. En plus de ces activités
d'apprentissages, les facultés de médecine ont pour mission fondamentale
de fournir, à la société, des médecins compétents en mesure d'assurer
des soins de santé de première ligne et de deuxième ligne partout en
Algérie.
La vocation principale d'une faculté de médecine doit
s'articuler autour de l'apprenant en sciences de la santé d'un point de
vue pédagogique. En d'autres termes, l'apprenant doit être au cœur de la
préoccupation de la faculté de médecine, d'autant qu'elle est
responsable de l'ensemble de son cheminement pour toute la durée du
cursus de formation médicale. On attend souvent des apprenants des
sciences de la santé qu'ils accordent une très grande importance à la
qualité du service médical offert aux patients. Pour ce faire, il est
primordial de doter les formateurs en sciences de la santé d'une
expertise à la fois médicale et pédagogique.
L'intérêt particulier porté
à la compétence pédagogique du formateur est à la base de la qualité de
la formation médicale et des soins de santé. Au regard des enjeux liés à
la mutation des facultés de médecine en faveur de la formation médicale
de qualité, il est important de signaler que les curriculums de
formation actuels n'obéissent pas aux normes pédagogiques modernes. En
effet, il a été constaté que ces curriculums sont réduits à de simples
listes bibliographiques et de titres qui fournissent des informations
générales et lacunaires sur le domaine à enseigner et à apprendre. De
plus, ils sont dépourvus d'objectifs de formation, des critères et des
modalités d'évaluation des apprentissages selon les normes
docimologiques reconnues. Par ailleurs, dans les programmes
disciplinaires en sciences de la santé, les apprenants ne sont pas
informés des approches, des stratégies et des méthodes d'enseignements
que le formateur pourrait utiliser pour favoriser les apprentissages.
Les remarques ci-dessus ne mettent pas en cause l'expertise médicale des
formateurs, mais beaucoup plus les pratiques pédagogiques en termes
d'encadrement, de planification et d'évaluation des apprentissages selon
des approches pédagogiques en vigueur telles que l'approche par
compétence. Dans la culture facultaire des sciences de la santé, la
qualité de l'acte d'enseigner et l'enseignement médical en général ne
semblent pas être une priorité. En effet, les médecins résidents en
sciences de la santé ont souvent noté le laisser-aller de l'acte
d'enseigner au profit de la course à l'excellence dans l'expertise
médicale et la recherche médicale, et ainsi d'ignorer la valeur ajoutée
de l'acte d'enseigner comme assise à l'amélioration de la formation
médicale et des soins de santé.
La faculté de médecine algérienne
est-elle vraiment aussi centrée sur la recherche médicale qu'on le
prétend ? Est-elle si réfractaire au changement et à l'innovation
pédagogique en contexte des sciences de la santé ? Et pourtant, la
formation pédagogique à l'acte d'enseigner représente le facteur
essentiel capable de créer les conditions nécessaires à l'émergence
d'une culture pédagogique au sein de chaque faculté de médecine, et dont
les finalités sont l'amélioration qualitative de la formation médicale
et des soins de santé. Il est clair que pour faire de nos facultés de
médecine et de nos centres hospitalo-universitaires des lieux
d'apprentissage et de formation crédibles et innovants en sciences de la
santé, un point est souvent oublié : la pédagogie médicale.
Or c'est
par la pédagogie universitaire appliquée en sciences de la santé que
fonctionnent toute faculté de médecine et tout centre
hospitalo-universitaire en tant qu'instances de construction et de
transmission des savoirs. Il est reconnu que les formateurs en sciences
de la santé sont parmi ceux qui n'ont pas eu d'apprentissage en
pédagogie médicale durant leur cursus de formation. Ils sont souvent
confrontés à diverses problématiques pédagogiques telles que
l'évaluation des apprentissages selon les normes docimologiques en
vigueur en milieu de santé, la supervision des apprenants durant les
stages cliniques selon les normes d'encadrement reconnues, la
planification pédagogique des programmes disciplinaires, l'application
des stratégies d'apprentissage en contexte clinique, la pratique des
habilités et des méthodes d'enseignement en milieu
hospitalo-universitaire, la conception des curriculums de formation, et
dans bien d'autres domaines de la pédagogie appliquée en sciences de la
santé.
Dans la faculté de médecine contemporaine, l'enseignement en
sciences de la santé constitue sa mission première, et la qualité des
enseignements dispensée doit être plus que jamais au cœur des
préoccupations des doyens de médecine, des conseils pédagogiques
nationaux et des autorités facultaires. De plus, l'un des facteurs pour
promouvoir la qualité des apprentissages et de l'acte d'enseigner en
sciences de la santé est la compétence pédagogique des formateurs.
Enseigner en sciences de la santé est un métier qui évolue, et pourtant,
que font les facultés de médecine pour préparer les formateurs à
l'exercice de cette mission première ? Enseigner en sciences de la santé
n'est pas aussi simple que l'on prétend, car l'enseignement de la
médecine est une activité beaucoup plus complexe. De plus, cette
dernière ne doit plus être un exercice de transmission des connaissances
par le biais d'exposés magistraux unidirectionnels.
Le formateur en sciences de la santé
est amené à animer des études de cas, à concevoir et à superviser les
apprenants, encadrer des stagiaires et des projets en équipe, à
organiser des ateliers de raisonnement clinique (ARC) et des séances
d'apprentissage par problèmes (APP). Ces activités et pratiques
pédagogiques suscitées ont un impact direct et important sur la qualité
de la formation médicale et des soins de santé. Pour améliorer la
qualité des enseignements en sciences de la santé et des formations
médicales en général, il est évident que l'apprentissage à l'acte
d'enseigner en sciences de la santé représente le premier chaînon dont
le formateur a besoin pour procurer des pratiques pédagogiques centrées
sur les apprenants et les apprentissages. En d'autres termes, il est
essentiel de traiter en amont les problématiques pédagogiques en
sciences de la santé par des formations préalables des formateurs à la
pédagogie médicale.
Ces formations doivent répondre principalement à
des objectifs de perfectionnement professionnel et de développement des
habilités d'enseignement, d'évaluation et de supervision clinique en
sciences de la santé. Les propositions pour améliorer la qualité des
enseignements en sciences de la santé sont nombreuses, mais encore
faut-il que les doyens et les responsables facultaires manifestent un
écho salvateur à ces suggestions et qu'ils soient sensibles aux enjeux
de la mutation de la faculté de médecine dans le domaine de la formation
des formateurs à la pédagogie médicale. Ces enjeux doivent être au cœur
des réflexions actuelles du ministère de l'Enseignement supérieur et
des doyens de médecine, préoccupés certainement par la pertinence
pédagogique de l'acte d'enseigner en sciences de la santé et de la
qualité de la formation médicale. De plus, l'amélioration de la
formation médicale et des enseignements en sciences de la santé ne peut
se concevoir sans le soutien, l'implication et la collaboration
pragmatique du ministère de l'Enseignement supérieur (MESRS), des doyens
de médecine et des responsables des facultés de médecine. En d'autres
termes, les stratégies les plus efficaces pour améliorer les
enseignements et la formation médicale sont principalement les
contributions des doyens de médecine et des responsables des facultés
des sciences de la santé.
Pour ce faire, le MESRS peut diriger ses
actions et interventions vers les nouveaux enseignants
hospitalo-universitaires, vers les professeurs de carrière, vers les
comités de promotion et les comités de programme. Par exemple, les
membres du jury du concours de maîtrise devraient utiliser les bons
critères et des moyens appropriés pour évaluer les habiletés
d'enseignement des candidats. De plus, les comités de sélection peuvent
également leur exiger au préalable une formation continue ou une
certification à la pédagogie médicale et de valoriser à la hausse la
pondération de cette formation.
L'intégration de cette formation ou de
cette certification au processus de recrutement et de sélection des
futurs candidats paraît essentielle pour s'assurer de l'acquisition des
habiletés d'enseignement, mais aussi de l'appropriation des concepts et
principes de bases en pédagogie médicale. Pour une faculté de médecine
d'aujourd'hui, encourager les futurs formateurs à se former en pédagogie
médicale constitue un signal fort de valorisation de l'enseignement en
sciences de la santé et de l'amélioration de la formation médicale en
général.
En d'autres termes, recommander la formation à la pédagogie
médicale constitue un geste concret de la part du ministère de
l'Enseignement supérieur (MESRS) et de son engagement certain en faveur
de l'amélioration des enseignements en sciences de la santé. Cela
constitue également un geste tangible que l'acte d'enseigner en sciences
de la santé occupe une place importante parmi les autres missions de la
faculté de médecine. En conclusion, chaque faculté de médecine doit
s'outiller d'un savoir-faire en pédagogie médicale et de valoriser
l'acte d'enseigner pour améliorer les apprentissages et les
enseignements en sciences de la santé. Cela signifie également
encourager le développement des compétences et des habilités
d'enseignement en mettant à la disposition des formateurs en sciences de
la santé les moyens de se former et de se perfectionner en pédagogie
médicale, ainsi qu'un programme d'accompagnement pédagogique.
Il est
également essentiel que le ministère de l'Enseignement supérieur (MESRS)
et les doyens des facultés de médecine révisent les normes de sélection
et de promotion des futurs formateurs, tout en intégrant la
certification ou la formation à la pédagogie médicale comme critère de
recrutement, de nomination et de titularisation. Pour ce faire, une
pondération conséquente doit être consacrée à la certification, à la
pédagogie universitaire appliquée en sciences de la santé.