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Valorisation des enseignements en milieu hospitalo-universitaire

Valorisation des enseignements en milieu hospitalo-universitaire

par Lord Pédagogie,
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Le quotidien d'Oran le 20.10.2022

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La valorisation de l'enseignement universitaire est une question fondamentale pour améliorer les apprentissages et développer des compétences chez les apprenants. Actuellement, les responsables du ministre de l’Enseignement supérieur et des établissements universitaires de formation ont pris conscience de l’importance de promouvoir la qualité des enseignements. De plus, ils affirment que la valorisation de l'enseignement est importante pour améliorer les apprentissages et répondre aux besoins de la société et de la réalité professionnelle.

Il existe depuis longtemps un débat entre la place de l'enseignement et celle de la recherche dans la progression de carrière d'un enseignant universitaire. Hélas, de très nombreux universitaires attestent que l'enseignement n'est pas valorisé, voire presque dévalorisé dans leur université, leur faculté des sciences de la santé, leur département ou leur programme de formation. De plus, ils confirment que ce sont plutôt les activités de recherche scientifique qui reçoivent la plus grande part de l'attention, de l'encouragement et de la valorisation, et qui ont les conséquences les plus positives sur la progression de carrière de l'enseignant universitaire.

Le but de cette contribution est de développer, au service de la communauté universitaire et hospitalo-universitaire, des arguments et des réflexions sur les conditions nécessaires pour que l'enseignement soit valorisé, car les responsables universitaires ont du mal à prendre une décision franche pour donner de la visibilité à l'acte d’enseigner. Pourtant, la première condition pour le valoriser est qu'ils lui accordent un appui incontestable, et qui doit outrepasser les discours vaillants sur son intérêt pour l'amélioration de l'enseignement universitaire et donc des apprentissages.

En effet, pour que l'acte d’enseigner soit valorisé, les responsables de l’enseignement supérieur, les autorités universitaires et des facultés des sciences de la santé devraient lui procurer de la visibilité, faire des propositions et prendre des actions concrètes qui motivent les enseignants, appuient les enseignements et couronnent les réalisations et les travaux louables en enseignement. C'est la condition sine qua non et elle exige une prise de décision pédagogique forte. En d’autres termes, il est certain que pour encourager les enseignants universitaires à s'engager en enseignement, les autorités doivent assumer une responsabilité pédagogique fondamentale : soutenir clairement les activités d'enseignement, reconnaître au grand jour leurs réalisations et travaux et les féliciter en célébrant avec eux les succès obtenus et les défis surmontés.

Hélas, la réalité quotidienne des enseignants universitaires est toute autre, car ils font face à plusieurs défis auxquels ils sont appelés à s'adapter, tels le renouvellement rapide des connaissances, la problématique linguistique, l'intrusion des nouvelles technologies dans l'enseignement, les caractéristiques des étudiants, leur responsabilité administrative, de chercheur, leur contexte socioprofessionnel et finalement leur responsabilité socioculturelle envers la société.

Par ailleurs, il est important de signaler d'emblée que ce n'est pas l'expertise ou les connaissances disciplinaires de l'enseignant universitaire qui sont mises en cause, mais les pratiques d'enseignement en termes de stratégies et d'encadrements pédagogiques des apprentissages. La plupart des enseignants universitaires enseignent selon un modèle traditionnel basé sur la transmission quantitative des connaissances. De plus, l'acte d'enseigner est plus au moins planifié, voir improvisé et fait appel aux bons sens et à l’intuition pour enseigner.

Mais, la plupart des enseignants sont motivés à procurer des apprentissages de qualité à leurs étudiants, mais ils n'utilisent pas les bons outils pédagogiques pour y parvenir. Par outils, on fait allusion aux soutiens et aux conseils pédagogiques pertinents en vue d'améliorer leur enseignement. En effet, le premier constat est l'absence de formation à la pédagogie universitaire et des sciences de la santé pour améliorer les pratiques d'enseignement au regard de l'évolution rapide des connaissances disciplinaires et surtout pédagogiques.


Pour des apprentissages de qualité centrés sur le développement de compétences chez les étudiants, les enseignants auront besoin d'une formation à la pédagogie ciblée et d'environnement d'apprentissage propices à leur développement intellectuel et professionnel. De plus, les enseignants auront besoin de réseau de partage de leurs vécus d'enseignant et de leurs expériences professionnelles en milieu universitaire. En effet, selon Elbe « enseigner et apprendre sont des activités interchangeables, on ne peut enseigner sans apprendre et on ne peut apprendre sans enseigner ».

Pour ce faire, le ministère de l’Enseignement supérieur (MESRS) pourrait promouvoir le dossier enseignement comme portfolio de l'enseignant (Teaching portfolio) consacré exclusivement à l'acte d'enseigner en milieu universitaire et hospitalo-universitaire comme étant l'équivalent du dossier recherche pour le volet recherche. Le dossier d'enseignement est un document élaboré par l'enseignant à plusieurs reprises durant sa carrière professionnelle. À titre formatif, il permet à l'enseignant de valoriser la qualité de ses enseignements et ses accomplissements en pédagogie d'une manière rétrospective et prospective. À titre sommatif, il permet une évaluation par l'administration universitaire à des fins de promotion, de recrutement, de nomination ou de titularisation.

Durant tout son parcours professionnel, un enseignant universitaire ne rédigera probablement un dossier d'enseignement plusieurs fois. Il l'utilise pour réfléchir sur ses activités d'enseignement, et pour démontrer de façon explicite la qualité de son acte d'enseigner à des fins d'assurance qualité et de promotion. Hélas, l'absence de reconnaissance institutionnelle de l'investissement en enseignement et en pédagogie est une barrière essentielle et majeure à l'implication et à l'engagement des enseignants en faveur du dossier enseignement.

De plus, l'absence de la culture d'évaluation anonyme et institutionnelle des enseignements par les étudiants représente également un obstacle à l'émergence du dossier enseignement comme outil d'amélioration de l'acte d'enseigner en milieu universitaire. En d'autres termes, les processus et modalités d'évaluation des enseignements par les étudiants dans les établissements du supérieur sont quasiment inexistants.

La raison d'être du dossier enseignement est principalement pédagogique au regard de la complexité de l'acte d'enseigner en milieu universitaire. Enseigner n'est pas aussi simple que l'on prétend. De plus, les enseignants ne disposent pas de suffisamment de conseillers et de ressources pédagogiques nécessaires, et ils n'utilisent pas les bonnes méthodes d'enseignement et stratégies d'apprentissage pour procurer des enseignements de qualité centrés sur les apprenants. En effet, l'enseignement est une activité beaucoup plus complexe, car tout enseignant doit pouvoir démontrer de manière concrète ses habiletés à enseigner avec rigueur, efficacité et selon les normes modernes des sciences de l'éducation. Enseigner à l'université n'est plus seulement une activité de transmission des connaissances par le biais d'exposés magistraux unidirectionnels à sens unique.

Désormais, enseigner à l'université exige de tenir compte des besoins de la réalité professionnelle pour procurer des enseignements centrés sur l'apprenant et les apprentissages. Ces derniers nécessitent des stratégies pédagogiques interactives, dynamiques et assurant le développement non seulement l'expertise disciplinaire, mais également des compétences organisationnelles, relationnelles et communicationnelles. Cette nouvelle perspective exige de l'enseignant la planification et l'organisation d'une variété d'activités pédagogiques riches et diversifiées.

Par ailleurs, pour que le dossier d'enseignement soit intégré, le ministère de l'Enseignement supérieur (MESRS) et les autorités universitaires devraient proposer de nouveaux modèles pour reconnaître et récompenser les deux volets recherche et enseignement de la mission universitaire et d'adopter des mesures plus égalitaires en matière de valorisation et de promotion des enseignants. Ce modèle peut prendre appui sur une parité claire et transparente entre le dossier enseignement et le dossier recherche.

Pour ce faire, le ministère de l'Enseignement supérieur (MESRS) doit favoriser et encourager la préparation, la rédaction du dossier d'enseignement et l'intégrer dans les critères de promotion professionnelle, de recrutement, de nomination ou de renouvellement de contrat des chargés de cours. En d'autres termes, il est plus que nécessaire à ce que le dossier d'enseignement occupe une place importante dans la progression de la carrière et que le volet enseignement compte autant que le volet recherche.

Il est impératif à ce que le dossier enseignement reflète l'excellence en enseignement et qu'il soit connu et reconnu respectivement par les pairs et l'administration universitaire pour les enseignants qui se distinguent, et en leur attribuant des prix d'encouragement. À ce titre, il faudrait instaurer un prix d'excellence en enseignement au niveau de chaque université afin de promouvoir le dossier enseignement au sein de la communauté universitaire et hospitalo-universitaire.

Finalement et pour un établissement du supérieur, encourager les enseignants à rédiger un dossier d'enseignement constitue un signal fort de valorisation de l'enseignement. En d'autres termes, recommander la rédaction d'un dossier d'enseignement constitue un geste concret de la part du ministère de l'Enseignement supérieur (MESRS) et de son engagement certain en faveur de l'amélioration des enseignements. Cela constitue également un geste tangible que l'acte d'enseigner et l'enseignement occupent des places importantes parmi les autres missions de l'université. Aussi, il est essentiel à ce que le ministère de l'Enseignement supérieur (MESRS) révise les normes de progression des carrières tout en intégrant la certification ou la formation à la pédagogie universitaire et des sciences de la santé comme critère de promotion, de recrutement, de nomination ou de titularisation.


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