Le Quotidien d’Oran - 26.09.2012
Pour faire de nos
universités des lieux de formations crédible et innovant, un point est souvent
oublié : la pédagogie. Or c'est par la pédagogie que fonctionne l'université en
tant qu'instance de transmission des connaissances et du savoir. En effet, afin
de mieux répondre aux besoins actuels des sociétés de savoirs, plusieurs
facultés et écoles des différentes disciplines, en Algérie et ailleurs dans le
monde, entreprennent actuellement de nécessaires réformes de leurs cursus
d'études et une valorisation des enseignements. Dans ce contexte, il est
important, voire essentiel, de suivre une démarche cohérente pour élaborer ces
programmes disciplinaires selon les normes des sciences de l'éducation et de
renfoncer les pratiques enseignantes par des démarches d'apprentissage à la
pédagogie universitaire.
L'Algérie a connu
des grèves des étudiants universitaires ainsi que les résidents en sciences de
la santé durant laquelle les revendications pédagogiques ont occupé une place
importante. En effet, ayant suivi cette grève à travers les écrits sur le web
et notamment sur Facebook, j'ai tissé un réseau de contacts et de soutien sur
la thématique de la pédagogie universitaire en général et la pédagogie médicale
en particulier. En effet, les résidants en science de la santé ont pris
l'initiative de revoir par eux-mêmes certains points de leur programme de
formation notamment sur l'amélioration des enseignements, l'évaluation des
enseignements et l'évaluation des apprentissages. Certes, cette tache dépasse
leur responsabilité de gestion de ces problématiques, mais ils ont le mérite de
les soulever et de faire savoir qu'ils sont des partenaires et des
collaborateurs efficaces dans ces projets de réformes des enseignements et des
programmes de formations.
En d'autres
termes, ils ont leur mot à dire et des propositions à faire en vertu de leur
vécu et leur expérience sur les déroulements des apprentissages dans les
services hospitaliers et dans les amphithéâtres universitaires.
Dans la suite des
évènements, le ministre de l'Enseignement supérieur avait lui-même reconnu que
les programmes de formation et des apprentissages en sciences de la santé sont
dépassés et sont rendu obsolète par rapport aux normes pédagogiques en vigueur.
Au cours des
dernières années, la formation à la pédagogie des enseignants universitaire
s'est développée de façon significative dans plusieurs pays ayant misé sur la
qualité des enseignements et des apprentissages pour développer des compétences
chez les étudiants. Chez nous, plusieurs enseignants ont suivi des séminaires
de formation en pédagogie. Toutefois, ces séminaires ne sont pas centrés ni sur
la pratique de l'enseignement ni sur la planification pédagogique, ni en
sciences de la santé ni en milieu universitaire.
De plus, ces
séminaires font rarement partie d'un programme de formation à la pédagogie qui
soit cohérent, c'est-à-dire, qui réponde aux exigences d'une planification
méthodique des enseignements, des apprentissages et surtout, qui
«contextualise» adéquatement les enseignements en tenant compte des
particularités de la formation des professionnels du milieu universitaire et
médicale. De plus, les connaissances pédagogiques ainsi acquises par les
enseignants et les intervenants académiques se traduisent difficilement sur le
terrain par la transformation des attitudes, des approches pédagogiques et des
modalités d'évaluation des apprentissages. La seconde problématique est celle
de l'amélioration des enseignements. La problématique de l'acte d'enseigner est
multidimensionnelle comme dans la plupart des universités du monde, mais
restons centrés sur sa composante pédagogique.
Il est important
de signaler d'emblée que ce n'est pas l'expertise ou les connaissances
disciplinaires de l'enseignant qui sont mises en cause, mais les processus
d'enseignement en termes de stratégies et d'encadrements pédagogique des
apprentissages. La plupart des enseignants enseignent selon un modèle
traditionnel transmissif et à partir de leur contenu ou de leur expertise
disciplinaire en absence de support pédagogique adéquat. De plus, l'acte
d'enseigner est plus au moins planifié, voir improvisé et parfois fait appel au
bon sens. Il arrive également que le professeur enseigne par intuition.
Par ailleurs, la
plupart des enseignants sont motivés afin de procurer des apprentissages de
qualité à leurs étudiants, mais ils n'utilisent pas les bons moyens pour y
parvenir. Par moyens, on fait allusion surtout aux soutiens didactiques et aux
conseils pédagogiques pertinents en vue d'améliorer leur enseignement. En
effet, le premier constat est l'absence de formation pédagogique aux
enseignants pour améliorer leur processus d'enseignement au regard de
l'évolution rapide des connaissances dans le domaine de l'éducation.
Pour des
apprentissages de qualité centrés sur le développement de compétences chez les
étudiants, les enseignants auront besoin d'une formation à la pédagogie ciblée
et d'environnements d'apprentissage propices à leur développement intellectuel
et professionnel. De plus, les enseignants auront besoin de réseau de partage
de leurs vécus d'enseignants et de leurs expériences professionnelles en milieu
universitaire. En effet, selon Elbe «enseigner et apprendre sont des activités
interchangeables, on ne peut enseigner sans apprendre et on ne peut apprendre
sans enseigner»
De plus,
lorsqu'un universitaire commence à enseigner à l'université, il est en général
étudiant au doctorat où il vient de finir une thèse ou un post-doctorat sur un
sujet extrêmement pointu. Une fois qu'il obtient un poste d'enseignant, il
s'agit alors de prendre en charge un ou plusieurs enseignements qui sortent de
sa spécialité stricte. À vrai dire, il est même plutôt rare d'enseigner
exactement dans son sujet de thèse. Et c'est là que les problématiques de
l'acte d'enseigner se posent sérieusement.
Par ailleurs, les
enseignants font face à plusieurs défis auxquels ils sont appelés à s'adapter
tels que le renouvèlement rapide des connaissances, la problématique
linguistique, l'intrusion des nouvelles technologies dans l'enseignement, les
caractéristiques des étudiants, leur responsabilité administrative et de
chercheur, leur contexte socioprofessionnel et finalement leur responsabilité
socioculturelle. «Comment font-ils pour s'adapter à ces environnements», se
demandait Ramdsen.
L'apprentissage à
la pratique de l'enseignement supérieur représente le premier chainon
pédagogique dont un enseignant universitaire aura besoin pour développer les
compétences enseignantes et procurer des pratiques pédagogiques centrées sur
les étudiants et les apprentissages. En effet, «personne ne commence par bien
enseigner. Enseigner à l'université ça s'apprend» Herbert Kohl.
* Dr Lardjane - Conseiller et
concepteur pédagogique.