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Le concours de maîtrise est-il fiable et crédible ?

Le concours de maîtrise est-il fiable et crédible ?

par Lord Pédagogie,
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Publié dans journal Liberté le 23-09-2014

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Le concours de recrutement pour le grade de maîtrise hospitalo-universitaire est destiné à tout médecin ayant acquis le diplôme d’études médicales spécialisées (DEMS) en sciences de la santé. Ce concours aura lieu probablement cet automne 2014 en Algérie. Il est régi respectivement par les arrêtés publiés au journal officiel n°23 du 4 mai 2008 et l’arrêté interministériel n° 34 du 19 novembre 2009 fixant les modalités d'organisation et de déroulement des concours d'accès aux grades de maître assistant hospitalo-universitaire. 

Suite à la publication de l’arrêté n° 731 du 8 août 2014 du ministère de l’Enseignement supérieur (MESRS) portant ouverture du concours sur épreuves en vue de l'accès au grade de maître assistant hospitalo-universitaire, la date limite de dépôt de dossier est prévue pour le 30 septembre 2014. Plus de mille postes hospitalo-universitaires sont ouverts pour ce concours. Ceci révèle l’immensité des tâches de gestion de cet important bassin de candidatures, et pour l’analyse préliminaire des dossiers ainsi que les rapports d’activités académiques des candidats.

Cette date limite témoigne également de la course derrière la documentation que doivent se procurer les candidats pour compléter leur dossier académique. En regard des délais courts pour la constitution et le dépôt des dossiers des candidats, le premier constat est la non-disponibilité immédiate des informations complémentaires sur les modalités d'organisation et du déroulement de ce concours.

En d’autres termes, ces informations ne sont pas à portée de main. L’information circule beaucoup plus dans les réseaux sociaux tels que Facebook que dans les réseaux officiels. En effet, les groupes Facebook sont nombreux à collaborer et à communiquer sur la préparation du concours de maîtrise en sciences de la santé. De ces groupes, on a analysé les véritables besoins des futurs candidats et leurs problématiques pour la constitution de leur dossier académique, et surtout la rédaction des rapports d’activités hospitalières et des activités pédagogiques tout en se posant la question sur leur utilité et leur pertinence académique. Espérant également que les futurs membres des jurys en sciences de la santé seront à l’écoute de nos réflexions, suggestions et propositions. On tient d’emblée à signaler que le dossier administratif ne mentionne pas et n’exige pas un curriculum vitae (CV) ni une lettre de motivation du candidat.

Par contre, il mentionne textuellement de fournir une lettre de demande manuscrite de participation au concours. Cette dernière est une procédure purement administrative et ne peut couvrir à elle seule la nécessité de connaître le candidat avant de l’apprécier lors de l’étude préliminaire des dossiers et lors de l’entrevue avec les membres du jury. En d’autres termes, la lettre de motivation reflète la personnalité du candidat, ses ambitions, son intérêt pour le concours, ses habilités pour l’enseignement en sciences de la santé et son approche des soins de santé.

Le curriculum vitae est le reflet de ses capacités de rédaction et d’organisation sur le plan cognitif. De plus, les membres de jury accordent moins de deux minutes pour lire chaque document. Ces deux documents doivent être succincts, clairs et ne contenant que l’essentiel sur une seule page et au maximum sur deux pages. En plus du dossier administratif, il est demandé au futur candidat de rédiger un rapport des activités hospitalières et des activités pédagogiques. A la lecture de l’arrêté interministériel n° 34 du 19 novembre 2009 fixant les modalités d'organisation et de déroulement des concours d'accès aux grades de maître assistant hospitalo-universitaire, la section 1 de l’article 37 paragraphe 1 définit les futures tâches des candidats au concours. On note surtout la prédominance des activités pédagogiques. En des termes pédagogiques, il est question des prestations d’enseignements, de planification de cours, d’élaboration des contenus disciplinaires et de supports pédagogiques, et d’assurer des enseignements au lit du malade. Il devrait y avoir une corrélation et une cohérence entre les futures tâches des candidats, décrites dans l’arrêté interministériel, et la teneur ou le contenu des rapports d’activités pédagogiques. C’est également sur ces tâches pédagogiques que le jury doit analyser et porter une attention particulière lors de l’analyse du dossier académique et lors l’entrevue avec le candidat. Ce dernier doit être évalué sur ses habilités à communiquer, à enseigner et à mener des activités d’apprentissage en sciences de la santé. En effet, le volet pédagogique représente l’essence même de l’activité médicale en milieu hospitalo-universitaire, et pourtant, les futurs candidats au concours n’ont pas eu accès ni à des apprentissages à la pédagogie médicale ni à des formations à la pratique de l’enseignement.

Le rapport des activités hospitalières est centré sur la pratique clinique en sciences de la santé. Ce rapport reflète les activités menées en soins de santé, l’expertise disciplinaire et les compétences médicales du candidat. Par ailleurs, les modèles de rédaction de ces rapports d’activités ne sont plus d’actualité, et les candidats se sentent perdus en l’absence de leur mise à jour effective, et même les anciens modèles de rédaction ne sont pas à la portée des candidats. Chaque futur maître assistant en sciences de la santé se trouve à élaborer son dossier académique et rapport d’activités en catimini, et selon ses propres conceptions et perceptions.

La mise en place d’un service de soutien et de conseil tant technique que pédagogique est plus que nécessaire au niveau de chaque faculté de médecine, et ce n’est pas pour leur fournir des informations factuelles, mais pour leur procurer des conseils aux méthodes d’élaboration, de rédaction de leurs dossiers et de les préparer aux entrevues. Ces dernières sont également du ressort des responsables hiérarchiques hospitalo-universitaires soucieux de la progression méritoire des futurs candidats. Enseigner en sciences de la santé n’est pas aussi simple que l’on prétend, car l'enseignement en médecine est une activité beaucoup plus complexe.

Les futurs candidats au concours sont les seuls à ne pas avoir acquis durant leurs cursus d’études médicales une formation pédagogique sur la pratique de l’enseignement pour exercer leur métier de futur enseignant hospitalo-universitaire. Ceci explique en partie la qualité des prestations des enseignements lors de l’épreuve pédagogique, voire son impact sur la qualité de la formation médicale en général, et même la qualité des soins en particulier. Une fois leurs postes hospitalo-universitaires acquis, ils seront confrontés, comme leurs supérieurs hiérarchiques, à diverses difficultés et problèmes pédagogiques, tels que l'évaluation des apprentissages, la planification de contenus disciplinaires, les méthodes d'enseignements cliniques, la conception de programme disciplinaire et de formation médicale, et bien d’autres aspects de la pédagogie médicale.

D’autre part, la plupart des candidats assurent des prestations d’enseignement selon un modèle traditionnel basé sur la transmission quantitative des connaissances. L’acte d’enseigner et le processus d’enseignement sont souvent peu planifiés, voire improvisés, et font souvent appel au bon sens et à l’intuition, mais la plupart des futurs hospitalo-universitaires sont motivés à se procurer des pratiques enseignantes et des apprentissages de qualité. Hélas, ils ne disposent pas de suffisamment de ressources pédagogiques et ils n’utilisent pas les bonnes méthodes d’enseignement et les bonnes stratégies d’apprentissage pour y parvenir. C’est sur ces deux derniers aspects pédagogiques très importants que le jury doit focaliser toute son attention lors de la prestation d’enseignement des candidats, et selon une grille d’évaluation fiable et valide.

Par ailleurs, le futur candidat doit assurer une prestation d’enseignement devant le jury et un groupe d’étudiants. Par manque de connaissances à la pratique de l’enseignement en sciences de la santé, cette prestation est centrée beaucoup plus sur l’expertise disciplinaire que sur le processus d’enseignement. Ce dernier représente l’essence même de cette prestation et de l’activité pédagogique en général. L’idéal serait de donner la chance au futur candidat de s’exprimer sur son processus d’enseignement et sur ses habiletés de communication. En d’autres termes, il faut donner la chance au candidat de s’exprimer sur les activités pédagogiques et les stratégies d’enseignement à promouvoir pour assurer une prestation d’enseignement de qualité et qui répond aux normes des sciences de l’éducation.

Le candidat doit être guidé et orienté par les questions du jury. Il faut noter également que le jury doit avoir acquis des connaissances en pédagogie médicale pour pouvoir mener à terme, dans de bonnes conditions et dans la bonne direction une entrevue avec un candidat en ce qui concerne le volet pédagogique et la prestation d’enseignement. Il est également très important que le jury indique au candidat d’une manière claire et explicite que c’est la qualité du processus d’enseignement qui sera évaluée et non pas la quantité des connaissances. L’expertise disciplinaire ou les connaissances médicales sont évaluées sur l’épreuve rédactionnelle et orale.

Beaucoup de candidats mémorisent un contenu disciplinaire donné puis le répètent ou le transcrivent intégralement. Cette prestation est une course contre la montre pour déballer le maximum d'informations sur une pathologie choisie. L’idéal serait que cette épreuve soit centrée sur la résolution de problèmes cliniques ou l’étude de cas, durant lesquels le jury appréciera et notera le candidat sur la compétence fondamentale en sciences de la santé : le raisonnement clinique. Finalement, les processus d’enseignement et de raisonnement clinique sont couramment négligés, souvent passés sous silence et fréquemment scotomisés par les membres du jury. Le rapport des activités pédagogiques doit être signé par le président du comité pédagogique témoignant de la qualité ou de la véracité des documents. Si l’expertise disciplinaire d’un responsable hiérarchique hospitalo-universitaire n’est pas contestable, celle de l’expertise pédagogique est à prendre en considération lors de l’appréciation et de l’évaluation du volet pédagogique du dossier du candidat.

De plus, on s’interroge sur l’existence d’une grille pédagogique valide et fiable pour l’approbation et l’évaluation du volet activité pédagogique. On a signalé auparavant que ces responsables eux-mêmes ne sont pas formés à la pédagogie médicale et donc à l’évaluation qualitative du volet pédagogique. Ce dernier autant que le volet de l’activité hospitalière sont évalués d’une manière quantitative par le cumul de points attribués pour chaque item.

La consultation d’anciens rapports des activités hospitalières et pédagogiques montre que le contenu est un étalement livresque de toutes les activités de formation depuis le début du cursus universitaire en sciences de la santé au dernier jour de la rédaction de ces rapports. Cet étalement du cursus universitaire fournit peu d’informations et d’indices sur la qualité des apprentissages et sur celle de la qualité des activités hospitalières d’autant que les responsables hiérarchiques hospitalo-universitaires sont très au courant des faits, des réalités et de la qualité de la formation médicale en général, et qu’une réforme des curriculums des formations en sciences de la santé s’avère plus que nécessaire.

Par ailleurs,  il existe une confusion entre le terme activité pédagogique et formation pédagogique, et il est fondamental de les distinguer. Une formation pédagogique est une activité d’apprentissage des concepts des sciences de l’éducation appliquées en sciences de la santé telle que la notion d’apprentissage en sciences de la santé, la planification pédagogique d’un plan de cours, la conception de programme disciplinaire, l’évaluation des apprentissages, la planification de séance d’enseignement magistral, l’utilisation des stratégies pédagogiques, les approches des enseignements en milieu de santé, les courants pédagogiques en éducation et la motivation des étudiants en contexte des sciences de la santé.

Il existe également une confusion sur le terme activité pédagogique et activité de formation médicale continue, car les candidats ont tendance à tout inscrire dans le volet des activités pédagogiques. Selon le dictionnaire de l’éducation Legendre, une activité pédagogique est l’ensemble des activités d’enseignements en lien avec l’acte d’enseigner, d’apprentissage, de création de support didactique, de travail pratique, travail dirigé et de mémoire de thèse accompli ou suivi par un candidat. La disponibilité d’un modèle de rapport des activités hospitalières et pédagogiques s’avère plus que nécessaire pour orienter les futurs candidats. Une réforme majeure des textes et de l’arrêté interministériel régissant ce concours est plus que nécessaire pour s’adapter à l’évolution de la réalité professionnelle, à l’approche pédagogique des enseignements en sciences de la santé et de la formation médicale en général. Le législateur doit être soutenu et conseillé par des experts en pédagogie médicale afin de donner du sens et de la signification aux textes législatifs et aux différents rapports d’activités.

Finalement, il est essentiel que le ministère de l’Enseignement supérieur (MESRS) révise également les normes de sélection des dossiers des candidats tout en intégrant la certification ou la formation à la pédagogie médicale comme critère d’admission au concours.