Publié dans Liberté le 28 - 05 - 2015
La formation en résidence de médecine
dite aussi formation médicale postdoctorale est l'étape finale de
l'enseignement médical avant l'obtention du diplôme d'études médicales
spécialisé en sciences de la santé (DEMS). La formation médicale
postdoctorale a pour objet le développement et le perfectionnement des
compétences du médecin résident afin de lui permettre d'exercer une
spécialité médicale en milieu hospitalier .
En Algérie, les programmes de
formation médicale postdoctorale durent entre quatre et cinq ans. La
réussite aux examens finaux, basés sur l'évaluation des connaissances,
correspond à l'obtention du DEMS autorisant le médecin spécialiste à
exercer la médecine sans supervision d'un supérieur, entamant ainsi une
carrière professionnelle ponctuée de perfectionnements ou de
développements professionnels continus dits aussi formation médicale
continue. Par ailleurs, afin de mieux répondre aux besoins actuels des
sociétés en matière de la qualité des soins de santé et de la formation
médicale, plusieurs facultés de médecine ailleurs dans le monde
entreprennent actuellement de nécessaires réformes de leur curriculum de
formation médicale. L'enseignement médical et la supervision clinique
en sciences de la santé représentent les fondements de la formation en
résidence de médecine. Ces deux composantes sont fondamentalement
d‘ordre pédagogique. La contestation récente des résidents de médecine
est fondée sur ces revendications pédagogiques, telles que la qualité
des enseignements en sciences de la santé, la prise en charge de la
supervision clinique du résident en médecine et surtout le volet de
l'évaluation des apprentissages.
Dans la réalité quotidienne de la
pratique clinique des médecins résidents, les problématiques de la
formation médicale sont multidimensionnelles, politiques,
socioéconomiques et culturelles, comme dans la plupart des facultés de
médecine du monde, mais restons centrés sur ses composantes et
dimensions pédagogiques. En d'autres termes, pour faire de nos facultés
de médecine et de nos centres hospitaliers des lieux de formation
crédibles, un point est souvent oublié : la pédagogie médicale. Or c'est
par la pédagogie que fonctionne toute faculté de médecine et tout
centre hospitalo-universitaire en tant qu'instance de transmission et de
construction des savoirs en sciences de la santé. La plupart des
enseignements et des apprentissages en sciences de la santé devront être
assurés par des hospitalo-universitaires ayant de l'expérience dans
l'enseignement et la supervision clinique. Ces derniers ne sont pas
valorisés au sein de la culture de la formation médicale en milieu de
santé. De plus, les hospitalo-universitaires sont dépassés par la charge
des activités hospitalières. Ainsi, les enseignements sont à l'occasion
relégués à des assistants de santé publique ou à d'autres résidents de
médecine de grade supérieur dont le but légitime est l'obtention
d'attestation d'enseignement en vue du concours de maîtrise.
Il faut
reconnaître également que les enseignants hospitalo-universitaires font
face à plusieurs défis auxquels ils sont appelés à s'adapter, tels qu'un
programme curriculaire en sciences de la santé obsolète et dépassé, le
poids de l'encadrement ou de la supervision clinique des apprenants à
différents niveaux du cursus médical, le renouvellement rapide des
connaissances médicales, la problématique linguistique, l'intrusion des
nouvelles technologies dans l'enseignement en sciences de la santé, les
caractéristiques des apprenants en médecine, leur responsabilité
administrative et de chercheur, leur contexte socioprofessionnel et
finalement leur responsabilité socioculturelle. "Comment font-ils pour
s'adapter à ces environnements", se demandait Ramdsen.
Par ailleurs,
l'acte d'enseigner en sciences de la santé est souvent peu planifié,
voire improvisé, basé sur la transmission quantitative des
connaissances, et fait souvent appel au bon sens et à l'intuition, mais
la plupart des hospitalo-universitaires sont motivés à procurer des
pratiques enseignantes et des apprentissages de qualité à leurs
apprenants. Hélas, ils n'utilisent pas les bonnes méthodes
d'enseignement et les bonnes stratégies d'apprentissage pour y parvenir.
En effet, enseigner en sciences de la santé n'est pas aussi simple que
l'on prétend, car l'enseignement de la médecine est une activité
beaucoup plus complexe. De plus, cette dernière ne doit plus être un
exercice de transmission des connaissances par le biais d'exposés
magistraux unidirectionnels ou à sens unique. L'enseignant en sciences
de la santé est amené à animer des études de cas, à concevoir et à
superviser les résidents, encadrer des stagiaires et des projets en
équipe, et à organiser des ateliers et des séances d'apprentissage par
problèmes et de raisonnement clinique.
Ces activités pédagogiques ont
un impact direct et important sur la prestation des enseignements, la
supervision clinique, sur l'évaluation des apprentissages et finalement
sur la qualité de la formation médicale en général. Il est reconnu que
les hospitalo-universitaires sont confrontés à diverses problématiques
pédagogiques telles que l'évaluation des apprentissages, la
planification pédagogique, les méthodes d'enseignements, la supervision
clinique, la conception de programme disciplinaire et dans bien d'autres
domaines de la pédagogie appliquée dans le domaine des sciences de la
santé.
Désormais, enseigner en sciences de la santé exige de tenir
compte des besoins de la réalité sociale de la population, de la réalité
professionnelle et de procurer des enseignements centrés sur
l'apprenant et les apprentissages. Ces enseignements nécessitent des
stratégies pédagogiques interactives, dynamiques et assurant le
développement non seulement l'expertise médicale, mais également du
raisonnement clinique et de résolution de problèmes, des compétences
transversales, organisationnelles, relationnelles et
communicationnelles. Cette nouvelle perspective exige de l'enseignant la
planification et l'organisation d'une variété d'activités pédagogiques
riches et diversifiées.
La supervision clinique est souvent assurée
par les différents intervenants en sciences de la santé soit au niveau
du laboratoire, au lit du malade ou au bloc opératoire pour
l'acquisition des habiletés psychomotrices, cognitif et autre compétence
pour assurer et procurer des soins de santé de qualité. La supervision
clinique est une fonction importante du volet formation et
d'apprentissage en milieu clinique. La supervision contribue, d'une
part, à l'acquisition et au perfectionnement des médecins résidents en
leur assurant des enseignements de qualité, un soutien régulier et
d'autre part, à la qualité des apprentissages et des soins de santé
fournis aux patients. Cependant, elle était le plus souvent négligée au
sein du curriculum de formation et du processus d'apprentissage en
sciences de la santé. Evaluer est également souvent perçu comme un acte
politique, car une décision importante doit être prise et déterminera
tout un projet de carrière et de progression curriculaire d'un médecin
résident. À cet effet, il faut reconnaître que la rétroaction est
souvent négligée. De plus, le médecin résident développe souvent des
compétences autant dans son domaine d'expertise disciplinaire que des
compétences transversales qui ne sont pas prises en considération lors
de l'évaluation des apprentissages. De plus, l'évaluation des
apprentissages par le carnet du résident ne répond plus aux normes
docimologiques, la preuve, des examens sanctionnants et intercalaires
sont prévus à chaque fin de session de formation. Il est important
d'évaluer des stages de formation que d'évaluer des apprentissages d'une
façon sommative, annuelle ou finale. Il faut favoriser des évaluations
formatives, de telle façon qu'en cas d'échec, le médecin résident aura à
refaire un stage d'apprentissage et non pas toute une année de
formation. De plus, l'évaluation finale en fin du cursus de formation
est centrée sur l'expertise disciplinaire et non pas sur les examens de
pratiques cliniques ou sur les compétences développées par le résident
au cours de son processus de formation. Il est important d'établir une
grille d'évaluation des apprentissages qualitative, valide, fiable et
qui prend en considération l'expertise médicale et les autres
compétences transversales acquises par le médecin résident. Des grilles
d'évaluations qui répondent aux normes pédagogiques existent, et il
suffit de les intégrer dans un portfolio révisé selon les normes
pédagogiques et docimologiques en vigueur. De plus, il est fondamental
que le curriculum de la formation médicale postdoctorale soit révisé
selon le référentiel des compétences CanMEDS 2015 pour les médecins. Ce
référentiel de compétences constitue une étape importante de la création
d'un système intégrant pleinement l'approche par compétences en
formation médicale au
Canada.
Par
ailleurs, il est vrai que les médecins sont parmi ceux qui n'ont pas eu
de formation à la pédagogie médicale et à l'acte d'enseigner durant
leur cursus de formation en sciences de la santé. Il est essentiel de
traiter en amont les problématiques de l'acte d'enseigner, des
évaluations d'apprentissages et des supervisions cliniques par des
formations à la pédagogie médicale. Cette formation doit répondre
principalement à des objectifs de perfectionnement professionnel et de
développement des habilités d'enseignement en contexte de l'enseignement
en sciences de la santé. De plus, une réforme majeure des textes et de
l'arrêté interministériel régissant le concours de maîtrise
hospitalo-universitaire est plus que nécessaire pour s'adapter à
l'évolution de la réalité professionnelle, à l'approche pédagogique des
enseignements en sciences de la santé et de la formation médicale en
général. Pour ce faire, l'apprentissage à la pédagogie médicale pour les
hospitalo-universitaires est plus que souhaitable. Finalement, il est
également essentiel à ce que le ministère de l'Enseignement supérieur
(MESRS) révise les normes de sélection et de promotion des médecins
enseignants hospitalo-universitaires, tout en intégrant la certification
ou la formation à la pédagogie médicale comme critère de sélection, de
recrutement, de nomination et de titularisation des médecins
hospitalo-universitaires. Pour ce faire, une pondération conséquente
doit être consacrée à la certification à la pédagogie appliquée en
sciences de la santé.