Le Quotidien d’Oran - 27.04.2022
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Dr Lardjane
Dahmane est médecin conseiller
et concepteur en pédagogie des sciences de la santé. Il est diplômé de l'Université de Montréal en
pédagogie et de l'Université de Québec à Montréal en
technologie éducative. Il a également exercé dans le cadre de la conception
des environnements d'apprentissage en ligne en contexte de la formation
continue. Dans cette entrevue, Dr Lardjane va nous parler de son projet de
formation en ligne à la pédagogie médicale pour l'Algérie.
Le Quotidien d'Oran : Vous avez lancé un service de formation en ligne à
la pédagogie des sciences de la santé pour l'Algérie et en quoi consiste ce
projet ?
L D : Ce projet de formation est une offre de service
d'apprentissage, de conseils et de soutiens en pédagogie des sciences de la
santé conçue selon les normes modernes des sciences de l'éducation. Les
formations offertes sont reconnues au Canada par la Société de formation et
d'éducation continues (SOFEDUC). Nous sommes membres institutionnels de la
SOFEDUC et nous sommes autorisés à émettre des unités de formation continue
(UEC). Ces formations assurent le développement des compétences et des
habiletés pédagogiques d'enseignement en mettant à la disposition des
enseignants les moyens et les outils de communication et de collaboration
nécessaires pour se former et se perfectionner en pédagogie médicale. Un
certificat en pédagogie médicale et une lettre de suivi des apprentissages
sont délivrés à la fin de chaque session de formation.
Q. O.: Décrivez-nous votre démarche et quelles sont les missions de ce projet
de formation pour l'Algérie ?
L. D.: Notre démarche est une action citoyenne au service de la formation et
des enseignements des sciences de la santé en Algérie, mais aussi au service
des professionnels de la santé où ces derniers doivent pouvoir accéder
facilement à des prestations d'apprentissage à la pédagogie médicale en ligne
et de qualité. La mission de ce projet est également de permettre aux
médecins enseignants d'optimiser leurs compétences et pratiques pédagogiques,
et pour se tenir à la fine pointe de l'évolution des connaissances et des
nouveautés dans le domaine de la pédagogie des sciences de la santé. En
d'autres termes, ces formations sont centrées sur le développement des
processus pédagogiques d'enseignement afin de répondre principalement à des
objectifs de perfectionnement professionnel et de développement des habiletés
pédagogiques d'enseignement en contexte de la formation continue.
Q. O.: Décrivez-nous le contexte dans lequel vous avez élaboré ce projet
de formation pour l'Algérie ?
L. D.: Pour que nos institutions soient des lieux de formation crédibles et
innovants, un élément fondamental ne doit pas être oublié: la pédagogie. Car,
c'est par la pédagogie que fonctionne toute institution de formation en tant
qu'instance de construction des savoirs. Dans ce contexte, il est important,
voire essentiel, de former les enseignants à la pratique d'enseignement et de
promouvoir l'acte d'enseigner comme la mission première de toute institution
de formation. À cet effet, il faut mettre à la disposition des enseignants un
environnement de formation en ligne centré sur les apprenants et les
apprentissages conformes à l'approche par compétences. Pour ce faire, il est
important de développer un éventail de stratégies pédagogiques qui favorisent
l'apprentissage et la motivation.
Q. O.: Quels sont les enjeux de l'enseignement et de la formation à la
pédagogie médicale pour l'Algérie ?
L'enseignement constitue la mission première de toute institution de
formation, et la question de la qualité de l'acte d'enseigner doit être plus
que jamais au centre des préoccupations des autorités facultaires,
universitaires et des doyens des facultés de médecine. De plus, l'un des
facteurs pour promouvoir la qualité de l'enseignement est la compétence
pédagogique des enseignants, mais faut-il encore que les responsables soient
sensibles véritablement aux enjeux de la mutation de l'université algérienne
et des facultés de médecine en faveur de la pédagogie, mais aussi à
l'amélioration de l'acte d'enseigner et des pratiques pédagogiques en milieu
médical et universitaire.
Q. O.: Quelles sont les valeurs ajoutées de ces formations pour la
communauté médicale en Algérie ?
L. D.: Comme valeurs ajoutées, la formation à la pédagogie médicale permet de
promouvoir la qualité et la valorisation de l'acte d'enseigner en sciences de
la santé. De plus, le certificat en pédagogie médicale pourrait servir comme
critère de promotion, de nomination et de titularisation des enseignants
hospitalo-universitaires dans la progression de leur carrière. Elle peut
également servir comme levier pour promouvoir l'acte d'enseigner en milieu de
santé, comme facteur de prise de conscience des médecins enseignants à propos
de leurs pratiques d'enseignement et de leurs contrats pédagogiques avec
leurs apprenants. Pour ce faire, les stratégies pédagogiques de formation
doivent être conçues de sorte à assurer des apprentissages en ligne où les
enseignants en milieu de santé pourraient bénéficier de connaissances de
pointe dans le domaine de la pédagogie médicale et de l'utilisation des
technologies de l'information et de la communication (TIC) à des fins
d'apprentissage. Ainsi et comme valeur ajoutée, les médecins enseignants
vivront une double et enrichissante expérience d'apprentissage à la pédagogie
médicale et de formation en ligne.
Q. O.: Vous avez opté pour la formation en ligne pour Algérie et pourquoi ce
choix ?
L. D.: Le choix de la formation en ligne a été d'abord dicté par le contexte
de la Covid-19, mais aussi par l'étendue du territoire national, la
dispersion géographique des facultés de médecine, le nombre important des
médecins enseignants en milieu de santé, la rareté des intervenants
spécialisés en pédagogie des sciences de la santé, et finalement les
contextes socioprofessionnels et culturels des médecins enseignants et des
hospitalo-universitaires en Algérie. De plus, l'apprentissage en ligne permet
de réduire considérablement les coûts de formation, les distances, les
déplacements, et la mobilisation des ressources humaines, des moyens et les
structures pédagogiques sans oublier la possibilité de transfert de
l'expertise pédagogique en Algérie grâce à l'utilisation des TIC. Enfin, ces
formations seront disponibles en tout temps et les médecins enseignants
pourront choisir le moment et le lieu pour apprendre tout en respectant leurs
styles et leurs démarches d'apprentissage.
Q. O.: Que pensez-vous de la qualité de formation médicale en Algérie ?
L. D.: La qualité de la formation médicale en Algérie est en net recul malgré
les efforts consentis par le corps des enseignants hospitalo-universitaires,
mais cela ne signifie pas que les anciennes générations de médecins ont été
mieux formées que celle d'aujourd'hui pédagogiquement parlant. Par ailleurs,
les apprenants fuient les amphithéâtres et cela représente un véritable fléau
social et pédagogique. À cet effet, la pédagogie médicale représente un
levier fondamental à l'amélioration de la qualité des pratiques pédagogiques
en termes de la qualité des apprentissages et des enseignements en milieu de
santé. En d'autres termes, la formation médicale doit être centrée sur les
apprenants et les apprentissages, d'autant qu'il existe une relation
significative entre la qualité de l'enseignement dispensé et l'apprentissage
en profondeur réalisé visant à fournir à la société des professionnels de la
santé compétents et autonomes. Il y a donc tout lieu de soutenir qu'enseigner
en milieu de santé n'est pas aussi simple qu'on le prétend, mais une pratique
pédagogique beaucoup plus complexe, car «personne ne commence par bien
enseigner, enseigner à l'université ça s'apprend» selon Herbert Kohl.
Q. O.: Les facultés de médecine en Algérie ont-elles une responsabilité dans
la qualité de la formation médicale en Algérie ?
L. D.: Les problématiques de la formation médicale en Algérie sont surtout de
l'ordre des pratiques pédagogiques. À cet effet, chaque faculté de médecine
doit être soumise socialement à une obligation de satisfaire les besoins
pédagogiques de ses apprenants et de faire connaitre ses compétences et son
professionnalisme par la manifestation de son savoir-faire en pédagogie des
sciences de la santé. En d'autres termes, il est de la responsabilité de chaque faculté de médecine
de se procurer une visibilité académique par l'affirmation de la qualité de
ses enseignements, et par son engagement social à promouvoir les compétences
pédagogiques et professionnelles dans un contexte défavorable où cohabite un
curriculum de formation obsolète et néfaste. À vrai dire, si le modèle du
curriculum de formation importe aussi, ce sont les pratiques pédagogiques
innovantes qui permettent véritablement l'amélioration de la qualité de la
formation médicale et de l'expertise disciplinaire ainsi que la mobilisation
des compétences de soins de santé au service de la société.
Q. O.: Quelles sont les responsabilités des enseignants
hospitalo-universitaires dans le recul de la qualité de la formation médicale
en Algérie ?
L. D.: Les enseignants hospitalo-universitaires ne sont pas responsables du
recul de la formation médicale en Algérie, car malgré un contexte très
défavorable, il est important de rendre un grand hommage aux hospitalo-universitaires
qui continuent à s'investir en enseignement et méritent respect et
considération. Pour ce faire, il est plus que fondamental de valoriser autant
le statut des enseignants hospitalo-universitaires que l'acte d'enseigner en
contexte des sciences de la santé. De plus, les enseignants
hospitalo-universitaires sont très motivés à procurer des apprentissages et
des enseignements de qualité à leurs apprenants, mais ils n'utilisent
simplement pas les bons outils pédagogiques pour y parvenir en l'absence de
formation en pédagogie médicale. Par ailleurs, il est aussi important de
signaler d'emblée que ce n'est pas l'expertise ou les connaissances
disciplinaires des enseignants hospitalo-universitaires qui sont mises en
cause, mais les processus d'enseignement en termes des stratégies et
d'encadrement pédagogique des apprentissages, car l'enseignement se décline
souvent selon un modèle traditionnel basé sur la transmission quantitative
des connaissances au sein d'exposés magistraux unidirectionnels et à sens
unique. De plus, l'acte d'enseigner est plus ou moins planifié, voire
improvisé, et parfois fait appel au bon sens et à l'intuition pour enseigner.
Q. O.: Quels sont les impacts projetés de ces formations sur les soins de
santé en Algérie ?
L. D.: Ce projet de formation à la pédagogie des sciences de la santé est
pertinent tant sur le plan pédagogique qu'institutionnel par son impact sur
la qualité de la formation médicale et les soins de santé en Algérie. En
d'autres termes, nous sommes persuadés que le développement de nouvelles
compétences et pratiques pédagogiques sert directement la qualité de la
formation médicale en Algérie dont l'impact ultime est l'amélioration de la
qualité des soins de santé en Algérie.
*Conseiller et concepteur en pédagogie des sciences de la santé