Journal Elwatan - 27.10.2021
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Le curriculum de formation médicale se définit comme étant le parcours
pédagogique nécessaire pour tout apprenant admis à l’intérieur d’un projet
d’apprentissage en sciences de la santé, dont la finalité est de fournir à la
société des médecins compétents et autonomes. A cet effet, l’approche
pédagogique de toute réforme curriculaire doit être déterminée et fixée au
préalable ainsi que le référentiel des compétences pour espérer une mutation en
faveur de l’amélioration de la formation médicale centrée sur le développement
des compétences et la promotion des soins de santé de haut niveau.
Le curriculum de formation médicale actuel est obsolète et ne répond
plus aux besoins pédagogiques de formation des apprenants et des formateurs en
milieu médical. De plus, les curriculums de formation des sciences de la santé
n’ont pas connu de réforme ou d’amélioration qualitative au regard des besoins
en soins de santé de la population, ni des besoins pédagogiques des apprenants,
et il est plus que nécessaire d’entamer sa réforme et même sa refonte profonde.
En d’autres termes, il est nécessaire de réformer le curriculum de
formation médicale depuis les normes d’admission des apprenants en sciences de
la santé, jusqu’à la finalité du produit de formation. Pour ce faire, les
processus de formation médicale et de la progression curriculaire doivent être
revisités depuis le cycle préclinique, clinique et de spécialisation médicale.
Problématique multidimensionnelle
Les problématiques du curriculum de formation médicale sont
multidimensionnelles. D’abord, la formation médicale est doublement
défaillante, car le curriculum de formation n’est ni adapté ni cohérent aux normes
pédagogiques en vigueur et cela relève respectivement des carences de la
politique éducative ou de formation en sciences de la santé autant que de
l’absence de vision sur les buts et que sur les objectifs des finalités de la
formation médicale. Elle est due également à la mutation des rôles sociétal et
pédagogique des facultés de médecine, à la massification des apprenants admis
en sciences de la santé, à l’évolution des besoins des soins de santé, à
l’absence de professionnalisation du corps des enseignants
hospitalo-universitaires, aux manques des pratiques pédagogiques d’enseignement
et de l’évaluation des programmes de formation en sciences de la santé.
Cette contribution a pour but de soutenir et proposer des pistes de
réflexion sur les réformes du curriculum de formation des sciences médicales,
et pour objectif de promouvoir des éléments importants à considérer pour la
réforme des programmes disciplinaires et surtout des pratiques pédagogiques au
service de la réhabilitation et de la promotion des enseignements et des
apprentissages.
Le but ultime de cette contribution est de favoriser la qualité de la
formation médicale par son impact sur les soins de santé, car la réforme du
curriculum de formation médicale doit être systémique, globale et intégratrice
des besoins pédagogiques de formation médicale et les besoins des soins de
santé offerts à la population. Il est important de signaler que toute réforme
curriculaire doit être soutenue au sein d’un processus de planification
pédagogique rigoureux sur une longue période de réflexion profonde et sans
aucune précipitation.
Commissions d’évaluation
Dans une démarche évaluative et réflexive, le ministère de
l’Enseignement supérieur (MESRS) a mis en place des commissions, dont celle de
l’évaluation de la réforme du curriculum de formation médicale et la réforme
des concours hospitalo-universitaires. De plus, le MESRS a récemment organisé
le 1er juillet 2021, avec la participation d’un panel des professionnels de la
santé, le premier atelier d’évaluation de la réforme du curriculum de formation
médicale des trois premières années de médecine. Cette démarche est louable
afin de faire le bilan du processus de cette réforme tant attendue depuis des
années. C’est dans ce contexte que cette contribution se propose de suggérer
des pistes de réflexion pédagogiques en vue de la réforme du curriculum de
formation médicale tant attendu par la communauté médicale, mais également par
la société.
On dira d’emblée qu’il est fondamental de distinguer la réforme d’un
curriculum de formation de celle d’un programme des contenus disciplinaires. De
plus, une réforme curriculaire sans réforme profonde des pratiques pédagogiques
risque de lui faire subir le même sort que la réforme du curriculum de
formation universitaire via le LMD. En d’autres termes, la formation médicale
risque d’évoluer dans deux systèmes d’apprentissage différents et parallèles
sans amélioration, ni de la qualité des enseignements et des apprentissages ni
de celle de la qualité des soins de santé.
Dans cet objectif, le MESRS avait entamé, depuis trois années déjà, une
démarche réflexive de réforme du curriculum de formation des trois premières
années de médecine. Il est fondamental de signaler que toute réforme de
formation, quelle que soit la discipline ou le domaine professionnel, est un
processus qui nécessite beaucoup de temps (plus de deux ou trois années), une
démarche profonde et surtout un accompagnement par des experts pédagogues en
conception des curriculums de formation et des programmes disciplinaires en
sciences de la santé.
Pour ce faire, il est crucial de s’interroger et d’entamer des
réflexions profondes sur «la nature du modèle de médecine que le système de
santé voudrait pratiquer ou appliquer, et quelles sont les finalités que le
curriculum prétend former ?». En d’autres termes, est-ce que cette réforme a
pour prétention de promouvoir le développement des compétences en soins de
santé ou l’augmentation quantitative des connaissances et des contenus
disciplinaires ? De plus, quelle approche pédagogique faut-il adopter :
approche par compétence ou approche par objectif pour la refonte des programmes
disciplinaires? Par ailleurs, faut-il adopter l’approche modulaire ou approche
programme pour la refonte du curriculum de formation médicale ?
Du sens et de la signification
Cette réforme du curriculum doit donner du sens et de la signification à
tout le processus de cheminement pédagogique des apprenants, et ce, pour toute
la durée du programme de formation. Pour ce faire, l’apprenant doit être au
cœur de la préoccupation pédagogique tant sur le plan des enseignements que
celle des apprentissages, car on attend souvent des futurs médecins qu’ils
accordent une très grande importance à la qualité du service de soins qu’ils
offrent aux patients, mais cela passe certainement et fondamentalement par la
qualité de la formation médicale.
Une double réforme profonde du curriculum de formation médicale en
parallèle des pratiques pédagogiques est plus que nécessaire car la qualité de
l’expertise médicale et surtout de l’expertise pédagogique des formateurs
hospitalo-universitaires est primordiale pour espérer une amélioration de la
qualité des enseignements et des apprentissages en sciences de la santé. Il y
va de l’intérêt de la communauté médicale que cette réforme soit accompagnée
par un renouveau pédagogique à des fins de professionnalisation du corps des
enseignants en milieu de santé par implication des pédagogues en sciences de la
santé afin de renforcer et promouvoir les rôles fondamental et sociétal des
facultés de médecine.
En effet, toute faculté de médecine moderne doit promouvoir son rôle
sociétal et son professionnalisme en termes de qualité de la formation médicale
centrée sur les apprenants et les apprentissages. Pour autant, la faculté de
médecine d’aujourd’hui est dans l’obligation éthique de se doter d’un
savoir-faire en pédagogie universitaire appliquée aux sciences de la santé. En
d’autres termes, toute faculté de médecine est redevable socialement de la
nécessité de répondre aux besoins pédagogiques de ses apprenants en
collaboration interprofessionnelle avec les intervenants du milieu hospitalier,
et dont la finalité est de fournir à la société des soins de santé de qualité.
Cette modeste contribution ne fait qu’ébaucher les grandes lignes de
cette double réforme curriculaire et pédagogique des sciences de la santé, mais
il faut encore développer et approfondir chaque axe et résoudre les
problématiques émergentes spécifiques à chaque proposition. Il est impératif
d’attribuer suffisamment de temps de réflexion et de maturation à cette réforme
curriculaire. Il est également important de prévoir une réforme des programmes
disciplinaires de toutes les spécialités médicales.
En d’autres termes, il faut promouvoir la réingénierie de tous les
programmes disciplinaires en sciences de la santé selon les normes pédagogiques
en vigueur dans les pays développés.
La réforme curriculaire doit être accompagnée par une réforme
pédagogique profonde avec l’instauration d’un plan de formation continue en
pédagogie médicale à des fins de professionnalisation du corps des enseignants
en milieu de santé. De plus, l’accès et la promotion à tous les grades
hospitalo-universitaires doivent être conditionnés à une certification
périodique en pédagogie des sciences de la santé en contexte de la formation
continue.
Par ailleurs, même si la réforme curriculaire devait se faire selon les
normes pédagogiques reconnues, il faudra encore patienter quelques années pour
envisager et observer l’émergence d’une culture pédagogique et une mutation en
faveur de l’amélioration de la qualité de la formation médicale. Finalement,
pour soutenir profondément la réforme du curriculum de formation médicale, il
est nécessaire de revisiter les textes et les arrêtés interministériels régissant
les concours de recrutement des enseignants hospitalo-universitaires afin de
s’adapter à l’évolution de la réalité professionnelle et pédagogique des
sciences de la santé.
Par son impact pédagogique et son effet discriminant, la certification
périodique en pédagogie des sciences de la santé devrait être soutenue et
promue comme outil de sensibilisation, de conscientisation, de sélection et de
promotion des professionnels de la santé.