Le Quotidien d'Oran - 31.07.2021
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La réévaluation profonde des curriculums de formation médicale et des concours
hospitalo-universitaires (HU) nécessite une transformation abyssale voire radicale de nos réflexions et
pratiques pédagogiques pour espérer un impact et une mutation en faveur de
l’amélioration de la formation médicale en général et la qualité de l’acte
d’enseigner en particulier. Ces requêtes
sont les conditions
sine qua non pour espérer une évolution au profit du développement des
compétences disciplinaires et pédagogiques chez les professionnels de la santé.
Cela exige une volonté politique exprimée par le ministère de l’Enseignement
supérieur (MESRS) par la création de deux commissions de travail pour traiter ces
deux projets. C'est dans ce contexte que
cette contribution se propose de suggérer des pistes de réflexion pédagogiques
en vue de la réactualisation du curriculum de formation et des concours HU
attendue depuis des années par la communauté médicale et la société civile.
Au regard des critiques acerbes et légitimes portées à la
formation médicale, aux concours HU, à la prise en charge pédagogique des
apprenants et sans oublier au rôle sociétal des facultés de médecine, on
comprend bien que les problématiques des facultés de médecine sont complexes et
multidimensionnelles. Pour ce faire, la démarche méritoire du MESRS nécessite
un accompagnement par des experts en pédagogie en collaboration étroite avec les
panels des professionnels des sciences de la santé et notamment la conférence
des doyens. En d’autres termes, il est fondamental
de promouvoir une plus grande participation des ressources humaines compétentes
en pédagogie afin de faire valoir leur savoir-faire et savoir agir au service
de la communauté, que ce soit « au sein ou en dehors », des structures des
facultés de médecine, mais également pour soutenir le développement des compétences
pédagogiques au service des enseignants en contexte des sciences de la santé.
Par ailleurs, les stratégies les plus efficaces pour la révision
profonde des curriculums de
formation médicale et des concours HU sont principalement les
contributions des doyens des facultés de médecine. En effet, les doyens se sont déjà impliqués dans
un effort pédagogique et introspectif pour la révision des concours HU. Leur
proposition comporte plusieurs innovations pédagogiques au service de la
qualité de la formation médicale. De plus leur démarche se voulait pédagogique
et réflexive dont le but ultime est d’améliorer également la qualité des soins
de santé au service de la société.
Étant un professionnel de la santé formée en Algérie et pédagogue
des sciences de la santé, mes intentions sont de procurer des pistes de réflexion
pédagogique pour soutenir la démarche du MESRS d’autant que les problématiques
sont complexes et multidimensionnelles. En d’autres termes, mes nombreuses contributions
dans la presse locale et mes connaissances profondes notamment de la culture et
du contexte de la formation médicale et des concours HU en Algérie ne peuvent
que renforcer ma conviction que mon rôle premier est de peser dans la balance sur
la question de départ de cette contribution : s’agit-il d’une réforme
ou d’une refondation des curriculums
de formation médicale et des concours hospitalo-universitaires ?
La réforme
est un retour à une pratique pédagogique meilleure, généralement antérieure à
l’action de la réforme. En d’autres termes, c’est la révision d’un processus
déjà en place qui consiste à améliorer l’ensemble de règles à suivre pour revenir
à un ancien résultat meilleur dans une situation et un contexte déterminé. Cette
démarche exclut la notion d’innovation, car cette dernière consiste à
l’adjonction d’une donnée nouvelle inexistante à un processus ou un produit
déjà en place en vue de son amélioration avec un impact sur le même processus
ou produit. À cet effet, en quoi la réforme pourra induire une innovation
pédagogique ou curriculaire sans la révision de ses fondements? Et en quoi le
curriculum était meilleur avant l’action de cette réforme en cours de
d’évaluation? Tout en sachant que le curriculum
de formation médicale actuel est obsolète et ne répond plus aux besoins de
formation des apprenants. De plus, les curriculums de formation des sciences de
la santé n’ont pas connu de véritable révision en considérant les besoins
pédagogiques des apprenants. Si la réforme du curriculum de formation importe, ce sont les
pratiques pédagogiques innovantes qui permettent véritablement le développement
de l’expertise disciplinaire, et surtout la mobilisation des compétences
pédagogiques pour soutenir l’amélioration de la formation médicale dans notre
pays.
La formation médicale est doublement défaillante, car le curriculum
de formation n'est ni adapté ni cohérent des normes pédagogiques en vigueur et
cela relève respectivement des carences de la politique éducative ou de
formation en sciences de la santé autant que de l'absence de vision sur les buts,
les objectifs et les finalités de la formation médicale. Elle est due également
à la transformation des rôles sociétaux des facultés de médecine, à la
massification des apprenants admis en sciences de la santé, à l'évolution des
besoins des soins de santé de la population, à l'absence de
professionnalisation du corps des enseignants HU, aux manques des pratiques
pédagogiques innovantes et de l'évaluation continue des programmes de
formation. Pour toutes ces raisons, il faut aller au-delà de la réforme des
curriculums de formation et des
concours HU.
Il est crucial d’entamer des réflexions profondes sur « la nature
du modèle de médecine que le système de santé voudrait pratiquer ou appliquer,
et quelles sont les finalités pédagogiques que le curriculum prétend instaurer?
». En d’autres termes, est-ce que cette réforme a pour prétention de promouvoir
le développement des compétences ou le réarrangement quantitatif des contenus
disciplinaires? De plus, quelle approche pédagogique faut-il adopter :
approche par compétence ou approche par objectif pour la réforme des programmes
disciplinaires ? Par ailleurs, faut-il continuer à adopter l’approche modulaire
ou approche programme pour la refonte du curriculum de formation médicale?
La refondation c’est le fait de fonder les
curriculums de formation et les
concours HU sur de nouvelles bases pédagogiques et
innovantes. De plus, les données et les principes des pratiques pédagogiques en
contexte des sciences de la santé sont très dynamiques, car les connaissances sont obsolètes en
moins de cinq d’où tout l’intérêt de la double composante : innovation et
la veille pédagogique. Cette dernière consiste à
s’ouvrir sur les autres milieux de l’éducation médicale afin de voir ce qui s’y
fait ainsi que sur les dernières « tendances » afin de les comprendre et de les
appliquer. De plus, la pédagogie des sciences de la santé est une
nouvelle branche scientifique qui nécessite un investissement intellectuel, de
l’apprentissage et de la recherche. Elle a connu ces dix dernières années un
saut qualitatif extraordinaire et notamment en Amérique du Nord et plus précisément
au Canada.
Cette refondation du curriculum devrait donner du sens et de la
signification à tout le processus de cheminement pédagogique des apprenants, et
cela pour toute la durée du programme de formation. Pour ce faire, l'apprenant
doit être au cœur de la préoccupation pédagogique tant sur le plan des
enseignements que celle des apprentissages, car on attend souvent des futurs
médecins qu'ils accordent une très grande importance à la qualité du service de
soins qu'ils offrent aux patients, mais cela passe certainement et
fondamentalement par la refondation des curriculums de formation et des concours HU sur les nouveaux processus pédagogiques.
La refondation curriculaire doit être accompagnée
par une refondation de
nos pratiques pédagogique avec l'instauration d'un plan de développement
professionnelle continue (DPC) à des fins de professionnalisation du corps des
enseignants en milieu de santé. De plus, l'accès et la promotion à tous les
grades hospitalo-universitaires doivent être conditionnés à une certification
périodique en pédagogie des sciences de la santé en contexte de la formation
continue. Par ailleurs, le développement des pratiques pédagogiques
évolue avec le contexte socioculturel et les technologies de l’information et
de la communication. À cet effet, il faut miser et investir dans la veille et
l’innovation pédagogique afin de procurer des modèles d’enseignement et
d’apprentissage originaux et adaptés au contexte de nos institutions de
formation. La faculté de médecine algérienne est dans l’obligation éthique de
se doter d’un savoir-faire en pédagogie. En d’autres termes, toute faculté de
médecine est redevable socialement de la nécessité de répondre aux besoins
pédagogiques de ses apprenants en collaboration interprofessionnelle avec les
intervenants du milieu hospitalier et les experts en pédagogie.
Cette modeste contribution ne
fait qu’ébaucher les grandes lignes de cette double refondation curriculaire et
pédagogique des sciences de la santé. Il est également important de prévoir une
réingénierie des programmes disciplinaires selon les normes pédagogiques en
vigueur dans les pays développés. Finalement, même si la double refondation
curriculaire et des concours HU devrait se faire selon les normes pédagogiques en
vigueur, il faudra encore patienter quelques années pour envisager et observer
l'émergence d'une culture pédagogique et une mutation en faveur de
l'amélioration de la qualité de la formation médicale.