Le quotidien d'Oran - 19 Fév 2023
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Pour la parité entre les activités
pédagogiques d’enseignement et de recherche scientifique en milieu
universitaire
J’ai suivi avec une attention particulière les interventions des
hautes autorités du pays à ce qui a trait à la réforme universitaire et
notamment l’intervention du président de la République à propos de l’importance
de la pédagogie d’enseignement comme préoccupation fondamentale de ladite
réforme. Ces propos ont stimulé mes réflexions sur les perspectives et
projections futuristes de l’université algérienne dans le domaine de la
recherche scientifique, les réformes des curriculums LMD et les réformes des
programmes disciplinaires, la valorisation des enseignements, la réforme des
concours hospitalo-universitaires, la réforme des programmes des sciences de la
santé ainsi que le déploiement des compétences professionnelles au service de
la société. En effet, ces projets de réforme universitaire cadrent bien avec les missions et les valeurs de toute
université afin de fournir à la société des professionnels compétents et
autonomes, mais aussi de créer des passerelles entre les établissements
d’enseignement supérieur et leur environnement socioéconomique pour mobiliser
le potentiel, les compétences et l’expertise scientifique pour soutenir le
développement humain et durable de la société.
Cet article est un récapitulatif et une synthèse de mes nombreuses
contributions dans la presse algérienne depuis une douzaine d’années à des fins
de réflexions pour promouvoir la prise de décision politique et pédagogique au
service de la communauté et de la réforme de l’université algérienne. Pour ce
faire, c'est mon devoir et mon rôle de citoyen de faire entendre ma voix et
celle de tout universitaire désirant concrétiser l'idée de l'amélioration de
l'acte d'enseigner et des pratiques pédagogiques en contexte de l'enseignement
supérieur.
Il est important de se questionner d’emblée sur la
réforme universitaire. L'université algérienne est-elle vraiment aussi centrée
sur la recherche qu'on le prétend ? Est-elle autant réfractaire au changement
et à l'innovation pédagogique ? Et pourtant, la pédagogie représente le
facteur essentiel à même de créer les conditions nécessaires à l'émergence
d'une culture pédagogique en milieu universitaire, mais aussi au fondement
d'une société plus dynamique et prospère sur le plan socioéconomique. Pour ce
faire, les stratégies pour promouvoir et valoriser l’acte d’enseigner en milieu
universitaire sont nombreuses, et espérant que les hautes autorités du pays manifestent
un écho favorable et qu'elles soient sensibles aux enjeux de la mutation de
l'université dans le domaine de la pédagogie d’enseignement.
Il est également important de signaler que
l'enseignement constitue la mission première de toute université, et cela
devrait être plus que jamais au cœur des préoccupations des responsables
universitaires d’autant que les problématiques de l’université algérienne sont
multidimensionnelles comme dans la plupart des universités du monde. Mais pour
faire de nos universités des lieux d'apprentissage crédibles et innovants au
service de la société, un fondamental est souvent oublié : la pédagogie. Or,
c'est par la pédagogie que fonctionne l'université en tant qu'instance de
construction des savoirs. En effet, la pédagogie d’enseignement est à la base de l'amélioration des formations
universitaires centrées sur les apprenants et les apprentissages d'autant qu'il
existe une relation significative entre la qualité de l'enseignement dispensé
et l'apprentissage en profondeur réalisé visant à fournir à la société des
professionnels compétents. De plus, enseigner en milieu universitaire n'est pas
aussi simple qu'on le prétend, car c’est une pratique pédagogique beaucoup plus
complexe.
Pour ce faire, chaque université doit être
soumise socialement à une obligation de satisfaire les besoins pédagogiques de
ses apprenants et de faire connaitre ses compétences et son professionnalisme
par la manifestation de son savoir-faire en pédagogie universitaire. En
d'autres termes, il est de la responsabilité de chaque université et faculté de
se procurer une visibilité académique par l'affirmation de la qualité de ses
pratiques pédagogiques et par son engagement social à promouvoir les
compétences professionnelles dans un contexte défavorable où cohabitent deux
systèmes de formation antagoniste : classique et LMD (Licence — Master —
Doctorat). À vrai dire, même si le modèle du curriculum de formation
importe, ce sont les pratiques pédagogiques innovantes qui permettent
véritablement le développement de l’expertise disciplinaire et la mobilisation
des compétences au service de la société en général et pour soutenir les
besoins socioéconomiques du pays en particulier.
De plus, enseigner à l'université est un métier qui évolue, et
pourtant, que font les responsables universitaires pour préparer les
enseignants à l'exercice de cette mission première ? L'université moderne établit sa notoriété et sa visibilité régionale et
internationale, entre autres, par les compétences des enseignants en pédagogie
universitaire, et par son professionnalisme en termes de formation centrée sur
les apprenants et les apprentissages. En d’autres termes, toute université est
assignable socialement à l'obligation de répondre aux besoins pédagogiques de
ses apprenants en collaboration avec les partenaires de son environnement
socioprofessionnel. Pour ce faire,
chaque université est responsable de l'ensemble du cheminement pédagogique et
curriculaire des apprenants qui lui sont confiés par la société pour toute la
durée du cursus de formation.
Par ailleurs, il existe depuis longtemps un débat entre la place
de l'enseignement et celle de la recherche dans la progression de carrière des
enseignants universitaires. À cet effet, de très nombreux universitaires
attestent que l'enseignement n'est pas valorisé, voire presque dévalorisé dans
leur université, leur faculté, leur département et leur programme de formation.
De plus, ils confirment que ce sont plutôt les activités de recherche
scientifique qui reçoivent la plus grande part de l'attention, de
l'encouragement et de la valorisation, et qui ont les conséquences les plus
positives sur la progression de carrière de l'enseignant universitaire. De
plus, les activités de recherche scientifique ont les impacts les plus positifs
sur la carrière professorale.
Il est certain que pour encourager les universitaires à s'engager
entièrement en enseignement, les hautes autorités doivent assumer une
responsabilité pédagogique fondamentale : soutenir clairement les activités
d'enseignement, reconnaître au grand jour leurs réalisations et travaux et de les
féliciter en célébrant avec eux les succès obtenus ou les défis surmontés dans
leur pratique d’enseignement. Par ailleurs, la plupart des enseignants sont
motivés afin de procurer des apprentissages de qualité à leurs étudiants, mais
ils n'utilisent pas les bonnes méthodes et ressources pour y parvenir. Le premier constat est l'absence de
formation à la pédagogie universitaire pour améliorer leur processus
d'enseignement au regard de l'évolution rapide des connaissances dans le
domaine de l'éducation.
De plus, les propos des hauts responsables universitaires sont
perçus comme si on avait des soupçons que le soutien à l'enseignement est
traduit comme un manquement à la vocation de recherche de l'université. Lorsque
les hautes directions universitaires s'adressent aux enseignants du supérieur,
il est très rare qu'elles invoquent les réalisations en enseignement et les
accompagnements qu'elles désirent mettre en place dans ce domaine. De plus,
elles citent rarement les réalisations des universitaires en enseignement. En
effet, l'analyse du discours des responsables d'université et des hautes
autorités montre que l'évocation du terme enseignement est relativement rare.
Faut-il en déduire que l'enseignement n'a pas d'importance aux yeux de nos
responsables universitaires ? Le manque d’initiative dans le domaine de la
pédagogie universitaire a poussé les hautes autorités du pays à promouvoir la
réforme du système universitaire tout en considérant la pédagogie comme matrice
de toute refondation ou réforme du système universitaire.
En publiant l'arrêté 932 du 28 aout 2016, le MESRS a pris acte et
conscience que l'accompagnement pédagogique et la formation à la pratique de
l'enseignement sont à la base de l'amélioration qualitative des formations universitaires.
En d'autres termes, c'est la condition sine qua non pour espérer une mutation
de l'université en faveur des enseignements de qualité dans les établissements
du supérieur. Mais le soutien pédagogique offert dans les établissements
universitaires algériens est très insuffisant, car dans la plupart des
établissements, les services de soutien et de formation à la pédagogie de
l’enseignement ne sont pas ancrés ni dans la culture universitaire ni dans sa
structure organisationnelle.
Par ailleurs, encourager un
universitaire à réfléchir sur ses pratiques pédagogiques constitue un signal
fort de valorisation de l'acte d'enseigner et des pratiques pédagogiques en
milieu universitaire. En d'autres termes, cela constitue un geste concret de la
part du MESRS et de son engagement certain en faveur de l'amélioration des
enseignements. Cela constitue également un geste tangible que l'acte
d'enseigner et l'enseignement occupent des places importantes parmi les autres
missions de l’université. De plus, il faut également mettre
à la disposition des enseignants les outils pédagogiques et les ressources
humaines compétentes nécessaires pour se développer et pour atteindre les buts
de formation à court et à moyen terme, comme le financement de projets
d'innovation pédagogique, une offre de formation et d'accompagnement
pédagogique, une plateforme de collaboration entre les enseignants pour
partager leur expérience et pratique pédagogique. De plus, il faut proposer un
soutien clair pour la valorisation et la diffusion des résultats des projets
pédagogiques des enseignants comme une présentation dans un colloque de
pédagogie ou des événements internes de partage d'expérience en enseignement.
Plus importants encore, une réforme majeure des textes et des
arrêtés ministériels régissant tous les concours de recrutement des futurs
enseignants universitaires et hospitalo-universitaires seraient plus que
nécessaires pour s'adapter à l'évolution de la réalité professionnelle et
pédagogique des pratiques d'enseignement universel. De plus, la notion de
certification en pédagogie et le concept de l'épreuve pédagogique d’enseignement
devraient être soutenus et promus comme outil de sensibilisation, de
conscientisation, de sélection et de promotion bien avant l'organisation de
tout concours de recrutement des futurs enseignants universitaires, et cela à
tous les paliers de l'enseignement supérieur.
Finalement et pour que l'enseignement soit valorisé, les hautes
autorités du pays et les responsables universitaires doivent lui donner une
grande visibilité, faire des propositions et prendre des actions concrètes qui
motivent les enseignants, appuient les universitaires et couronnent les
réalisations et les travaux louables en pédagogie de l’enseignement. C'est la
condition sine qua non et elle exige une certaine volonté politique et
pédagogique. De plus, on ne le rappellera jamais assez que le bricolage et
l’amateurisme dans la gestion de la pédagogie d’enseignement doivent cesser
pour donner la chance aux ressources humaines compétentes de faire valoir leur
savoir-faire et savoir agir dans le domaine de la pédagogie universitaire et de
la pédagogie des sciences de la santé.
En conclusion et pour promouvoir la pédagogie de
l’enseignement, les hautes autorités du pays pourraient proposer de nouveaux
modèles pour reconnaître et récompenser les enseignants universitaires sur les
deux volets : recherche et enseignement. Ce modèle peut prendre appui sur une
parité claire et transparente entre le dossier enseignement et le dossier
recherche.